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conseils privé et des finances, ainsi que les gouvernemens des provinces et des villes ; de restituer ions les privilèges, etc. On peut s’étonner que de telles concessions n’aient pas engagé les autres provinces des Pays-Bas, le Brabant et la Flandre surtout, à rentrer sous l’obéissance de Philippe II : elles se seraient épargné par là bien des maux, des calamités, des ruines, et le traité d’Arras serait devenu la base du droit public des Belges dans leurs rapports avec leurs princes, tandis qu’il tomba en désuétude, les grandes villes de la Flandre et du Brabant n’ayant pas obtenu des conditions aussi avantageuses lorsqu’elles furent forcées de se soumettre. »

Farnèse réussit à se débarrasser des reîtres de Jean-Casimir, il n’eut qu’à leur offrir un sauf-conduit pour les faire partir ; il sema la division parmi les mécontens ; distribua adroitement les biens confisqués sur les rebelles, prodigua les titres ; il fit un véritable trafic des faveurs du roi d’Espagne, il caressa dans tout le pays wallon la grande haine qu’on y portait à l’hérésie : il comprît que l’intolérance religieuse divisait secrètement ceux qui s’étaient un moment liés à Gand contre l’Espagne ; qu’ici les catholiques, ailleurs les protestans, voulaient être les maîtres ; et qu’ils se lasseraient bien vite de leurs complaisances réciproques. Il n’y avait pas d’union véritable dans les Provinces-Unies ; dès que le poids d’une tyrannie intolérable cessa de peser sur elles et de les tenir immobiles, elles se séparèrent en deux groupes : l’un fut retenu en faisceau par Orange, l’autre fut soudé par l’habile politique de Farnèse. Au moment où celui-ci préparait ses forces, les états étaient déchirés par les factions. « Ils oublient, s’écriait le prince d’Orange, qu’ils doivent pourvoir à la chose publique ; » il prédisait que leurs vaines querelles feraient tout « choir en la fosse ; » il se plaignait en ces termes : « Chascune province a son conseil, et presque chascune ville, chascun païs, ses forces et son argent. » (Correspondance de Guillaume d’Orange, tome IV, décembre 1581.)

Après s’être débarrassé des reitres sans effusion de sang et avoir réussi à ramener beaucoup de Wallons sous ses drapeaux, Farnèse alla mettre le siège devant Maastricht. Le prince d’Orange avait fait mettre cette place en bon état de défense par Sébastien Tapin, un Lorrain, qui s’était rendu fameux à la défense de La Rochelle. L’attaque et la résistance furent également tenaces ; c’est dans ce siège, qui dura quatre mois, qu’Alexandre Farnèse disait avoir appris que le mineur était de plus d’usage que le soldat ; il savait pourtant être soldat, et dans une des attaques on eut beaucoup de peine à l’empêcher de marcher avec la colonne d’assaut la pique à la main. Tapin se couvrit de gloire, mais il fut grièvement blessé, et la ville fut enfin prise. Il s’y fit un horrible carnage ; les femmes ayant pris part à