Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croyances par les guerres de secte, compromettre la fortune publique par les abus de crédit et les gaspillages, aventurer le drapeau de la France dans des expéditions conduites sans prévoyance, ébranler toutes les institutions, décourager la confiance. C’est aussi simple et aussi clair que possible ; c’est là ce que les élections signifient ou elles ne signifient absolument rien ; et c’est justement cette vérité des choses que les républicains s’efforcent de ne pas voir, qu’ils s’obstinent à contester dans leurs explications et leurs interprétations des derniers scrutins.

Ces républicains sont étranges ; ils ont une manière à eux de tout expliquer. Si le pays leur a manqué et a passé en partie aux conservateurs, croyez-vous qu’ils se décident à voir que les fautes de leur politique pourraient n’être pas étrangères à cette évolution de la France électorale ? Pensez-vous qu’ils consentent à reconnaître qu’il pourrait bien y avoir eu quelque imprudence à troubler les mœurs religieuses en bataillant contre les cultes et contre le concordat, à épuiser les ressources de la France par des dépenses démesurées, à mettre en doute toutes les institutions par de prétendues réformes qui ne sont que la destruction organisée ? Ce serait bien naïf. Les républicains ne peuvent pas convenir qu’ils se sont trompés. Ils ont des manières de se faire illusion et d’expliquer un événement qui les importune : c’est que tout le monde a trahi ou conspiré, les hobereaux qui ont exercé leur influence néfaste dans les campagnes, les bourgeois, les financiers, les prêtres qui reçoivent un traitement de l’état et ont troublé les paysans de leurs propagandes, les fonctionnaires qui ne sont que des réactionnaires déguisés, et même les femmes des fonctionnaires ; c’est que la république n’a pas fait sentir assez énergiquement son action dans le pays, dans les campagnes. La conséquence, c’est qu’il faut des épurations nouvelles dans l’administration, c’est qu’il faut plus que jamais accentuer la politique républicaine, reprendre les grandes réformes, la séparation de l’église et de l’état, l’impôt sur le revenu, l’élection des juges, en commençant au besoin par donner des exemples d’une salutaire sévérité, par invalider un certain nombre d’élections conservatrices ! De sorte qu’au moment même où le suffrage universel témoigne ses antipathies contre les politiques violentes, ses mécontentemens et ses inquiétudes, les républicains ne trouvent rien de mieux que de répondre par des violences nouvelles, par des menaces et des jactances de parti effaré. Ils se donnent en vérité l’air de vouloir renouveler cette époque de fructidor où la France, comme aujourd’hui, venait d’envoyer des conservateurs aux assemblées, de faire des élections réactionnaires. Alors aussi, à cette époque d’heureuse mémoire, on parlait de sauver la république, on imposait de la bonne manière silence aux modérés, on voulait reconstituer les clubs, qui devaient raviver dans tout le pays le feu républicain ; on avait des procédés particuliers