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marquer est d’un poète : comme Diane plaisante la pauvreté, la nudité de son abri, le chasseur lui réplique, avec un geste large :


L’homme des villes, pris autre quatre manilles,
A sans doute besoin de parer sa prison :
Le mur de ma demeure, à moi, c’est l’horizon !


Mais ce que je préfère, comme le plus original dans l’œuvre de M. Legendre, et le mieux significatif pour son avenir, c’est le ton et le tour de certains passages comiques, moins avantageux à détacher mais excellens à leur place et convenables au genre scénique. Le rôle de Mercure, en ce sens, est le mieux partagé : il rappelle que l’auteur, pour sa Célimène, a dû fréquenter chez Molière ; il évoque le souvenir d’Amphitryon. Un homme, dit Mercure à Diane,


Est pour vous beaucoup moins compromettant qu’un dieu,
Car l’un dure toujours et l’autre dure peu.


Et quand la déesse, remontée au ciel, caresse encore le rebelle chasseur de sa lumière bénigne, il lance une dernière boutade :


C’est prendre l’aventure en déesse d’esprit !


N’est-ce pas là, en matière mythologique, le badinage français ? Il n’était pas nécessaire pourtant de moderniser Mercure au point de lui faire dire que l’Olympe est « assommant, » ni Diane à ce point qu’elle s’écrie, parlant aux dieux : « Vous, les blasés du ciel ! » Plus que ces libertés, d’ailleurs, je reprocherai à M. Legendre la platitude de quelques vers, et, plus encore, la facilité qu’il a prise de placer trop d’épithètes, et d’épithètes banales, à la rime : quelques morceaux de ce léger ouvrage en sont déparés. Nous ne retrouverons pas ces taches sans doute, dans les comédies plus considérables et surtout plus comiques dont Cynthia nous donne l’espoir. M. Legendre, pour cette épreuve, n’a point à se plaindre de ses interprètes : M. Paul Monnet qui fait Hylas, est magnifique et mélodieux ; Mlle Baréty est une Diane superbe et qui s’applique à bien dire ; Mlle Laisné, une gentille Néère ; M. Keraval, un Pasquin céleste qui fait rire.

M. Jules Claretie est nommé administrateur général de la Comédie-Française :


Sa bienvenue au jour lui rit dans tous les yeux ;


mais particulièrement, à l’heure qu’il est, dans les yeux de M. Vacquerie, — d’où elle se reflète, on le sait, dans les yeux de M. Meurice — et d’ici et de là, dans ceux de M. Lockroy, « premier élu » de Paris, et de tous les lieutenans de ce vieil et à jamais vénérable Alexandre