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suivre cette étrange politique qui consiste à inscrire la conservation de la Turquie parmi les grands principes du droit européen, comme le faisait récemment encore lord Salisbury, et à se servir en même temps de tous les incidens pour ébranler ce vieil empire dont on sent la nécessité.

Cette crise nouvelle de l’Orient qui est assurément assez grave pour qu’on ne la complique pas encore et que la diplomatie européenne doit tenir à dénouer dans l’intérêt de la paix du monde, elle a éclaté, il faut l’avouer, à une heure singulière ; elle est née dans un moment où un certain nombre de pays avaient à s’occuper de la plus sérieuse affaire de leur vie intérieure, de leurs élections. Le France était à la veille du grand scrutin qui allait lui donner une chambre nouvelle. La Prusse a en plus récemment, elle aussi, ses élections pour le renouvellement de son Landtag, et si ces élections prussiennes ont fait moins de bruit, c’est qu’elles n’ont en définitive que peu d’influence sur la politique du chancelier. Telles qu’elles sont cependant, sans répondre peut-être entièrement aux vues du gouvernement, elles ne laissent pas d’avoir une couleur conservatrice assez marquée, et, avec un peu d’industrie, M. de Bismarck, qui est un parlementaire d’une originalité particulière, est parfaitement homme à s’assurer une majorité dont il ne peut après tout se passer complètement. Tout cela est fini à Berlin comme en France, avec moins de bruit qu’en France, et certainement aussi avec des conséquences moins sérieuses. Restent maintenant les élections anglaises qui se préparent, qui vont être la grande lutte entre les conservateurs conduits par le ministère et les libéraux ralliés, ramenés au combat par M. Gladstone lui-même sorti tout exprès de sa retraite pour livrer cette dernière bataille réservée à sa verte vieillesse. L’Angleterre n’a plus désormais que peu de jours à passer avant de voir s’ouvrir le scrutin où des millions d’électeurs nouveaux créés par la dernière réforme vont se prononcer entre les partis et dire ce qu’il y a au fond de cette puissante masse de la nation britannique ; mais pendant ces quelques jours, on peut le croire, les partis vont redoubler d’activité et d’énergie dans leur propagande pour conquérir ces électeurs nouveaux qui représentent le grand inconnu du prochain scrutin, qui, en définitive, décideront de tout.

Déjà la lutte semble singulièrement animée dans presque toute l’Angleterre, et il y a même des régions, des villes, où le pugilat traditionnel se mêle aux discours des candidats et de leurs partisans. Bref, l’agitation est partout avec son cortège ordinaire et inévitable de scènes violentes, de manifestations tumultueuses et d’incidens qui ne sont souvent rien moins que sérieux, qui se produisent d’ailleurs dans tous les camps. Au fond, que peut-on augurer de ces élections anglaises, de cette bataille nouvelle entre libéraux et conservateurs,