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Toledo, quatrième marquis de Villa-Franca, laissera cette fois un plus heureux que lui, don Juan de Cardona, conduire à l’ennemi les galères de Sicile : par ses vœux, ses conseils, il restera encore aux côtés de son valeureux élève. Il y a vraiment quelque chose de touchant à voir de quelle sollicitude ces guerriers blanchis sous le casque, les Toledo, les ducs d’Albe, entourent le fils du grand empereur dont le culte s’impose toujours à leurs âmes. C’est à Toledo que don Juan s’adresse quand son cœur a besoin de s’épancher. Tous les conseillers officiels qui ont reçu de Philippe II la mission expresse de guider son inexpérience, don Luis de Requesens, le comte de Priego, Stefano Motino, Juan Soto, Pier-Francesco Doria, n’offrent à don Juan que le secours d’avis importuns : les seuls avis dont le prince reconnaissant fasse cas, les seuls qu’il sollicite, ce sont les avis de son premier maître, du valétudinaire de Pise : « Arrivé ici, lui écrit-il, avec 24 galères, j’y ai trouvé Marc-Antoine Colonna et les 12 galères de Sa Sainteté. Ces galères sont en bon ordre. J’y ai trouvé aussi Sébastien Veniero, général de la flotte vénitienne, avec 48 galères, 6 galéasses et 2 nefs. Ces vaisseaux vénitiens ne sont pas en aussi bon ordre qu’il le faudrait vraiment pour le service de Dieu et pour le bien de la chrétienté dans les circonstances présentes. Le général m’assure qu’il attend bientôt de Chypre 60 autres galères qui seront mieux armées. Dans le golfe de Venise, il y a encore 18 galères et 4 galéasses, avec bon nombre de soldats, de l’artillerie, des armes, des munitions, mais on ignore si ces bâtimens pourront nous rejoindre, car la flotte des Turcs est dans le golfe. Les forces qui, pour le compte du roi notre maître, se réuniront ici dans l’espace de sept ou huit jours, comprendront 81 galères, des meilleures qu’on ait jamais vues, 20 nefs, bien pourvues d’artillerie et bien équipées, 20,000 fantassins, savoir : 7,000 Espagnols, 7,000 Allemands, 6,000 Italiens, assez bonne troupe, et, de plus, 2,000 volontaires avec artillerie, munitions et vivres. » L’exposé de la situation est très net ; aucun mécompte de ce côté n’est à craindre : don Juan d’Autriche a, en effet, à peine eu le temps de sceller sa lettre, que l’escadre de don Juan de Cardona est en vue. Cette escadre comprend 10 galères de Sicile et 12 autres galères appartenant à des particuliers. Le roi les a louées à ces armateurs génois qui gardent, dans leur opulence, les traditions des anciens condottieri du XVe siècle. Quatre ont été fournies par Giovanni Am-brogio di Negrone, deux par Nicolo Doria, deux par Stefano dei Mari, chevalier de Calatrava, deux par George Grimaldi, deux par David Impériale.

Un renfort d’un autre ordre vient assister don Juan : le pape a dépêché à Messine Mgr Odescalcho, évêque de Penna ; le prélat,