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d’Assebourg, originaire, si je ne me trompe, du duché de Brunswick, était attaché à la cour de Copenhague. Ami très particulier de Panine, il devait à cette liaison la mission confidentielle dont la tsarine l’avait honoré. Il en était digne, à en juger non-seulement par l’estime que lui témoigne Catherine dans ses lettres, mais par l’insistance qu’elle mit à lui persuader de quitter le service du Danemark pour le sien. Elle y réussit, d’Assebourg étant de ceux qui regrettaient la chute de Bernstorf, et qu’effrayait ou dégoûtait l’influence de Struensée ; il accepta plus tard les offres qui lui étaient faites et entra dans la diplomatie russe. Pour le moment il est au bénéfice d’une autorisation de Bernstorf qui, mis au courant des projets matrimoniaux de la cour de Russie, s’est empressé d’y aider en plaçant d’Assebourg à la disposition de la tsarine. Les conditions à remplir laissent le champ assez large au négociateur. L’impératrice veut absolument une princesse protestante et d’un âge assorti à celui du tsarowitz. A défaut de maisons souveraines, il n’est pas interdit de chercher parmi les comtesses de maisons illustres, à l’exception pourtant de celles de Linange de Stolberg et d’Ysembourg, « connues pour des défauts héréditaires dans leurs familles. » Au commencement de 1771, au moment où s’ouvre la correspondance de Catherine avec d’Assebourg, celui-ci a déjà visité les cours, étudié le terrain, envoyé des rapports ; mais Paul va bientôt avoir seize ans accomplis, et sa mère juge le moment venu de résumer l’enquête et d’arrêter son choix. Elle écarte une princesse de Nassau : informations peu favorables. Une princesse des Deux-Ponts n’est pas non plus assez bien notée, et en outre elle a contre elle d’être trop âgée, d’être catholique et d’avoir une sœur qui fait parler d’elle. S’il y a trois ans de trop à Deux-Ponts, il en manque trois à Montbéliard, ce qui est bien dommage, car il y a là une princesse Louise de Wurtemberg qui, à d’autres égards, ferait admirablement l’affaire. Les médecins la disent saine et robuste ; elle a neuf sœurs et frères sans espoir d’établissement, ce qui est presque un avantage : on se chargerait de les faire élever et de les placer. Malheureusement, Louise n’a pas encore douze ans, et il faut y renoncer. Pour le moment du moins ; car, chose singulière, Paul, devenu veuf après deux ans et demi de mariage, reviendra à la princesse wurtembourgeoise et l’épousera en secondes noces. A l’heure qu’il est, et à défaut de Louise, d’Assebourg reçoit l’ordre de voir s’il n’y aurait pas quelque chose à tenter du côté de Saxe-Gotha, où le prince Jean-Auguste a laissé une veuve et deux filles. L’une des deux, la cadette surtout, qui s’appelle aussi Louise, ne conviendrait-elle pas ? La mère ne pourrait-elle trouver un prétexte quelconque pour venir en Russie avec ses enfans ? On lui paierait ses frais de voyage, et si l’on ne s’arrangeait d’aucune des