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ne se sent-on pas enveloppé devant elle ! .. On continue, jusqu’en 1570, de voir François Clouet figurer dans les comptes royaux, mais toujours à propos de travaux de métier, jamais à l’occasion d’œuvres (tableaux ou portraits) dans lesquelles le peintre soit véritablement intéressé. A partir de cette date, le nom de Janet n’est plus prononcé. « Il est à supposer que François Clouet mourut jeune en 1572, » dit le comte de Laborde. Cette supposition, quant à la date, est maintenant une certitude. François Clouet mourut le 22 septembre 1572 ; son acte de décès a été retrouvé[1]. A partir de cette date, Jean de Court apparaît sur les états avec les titres et qualités qui avaient appartenu à Janet.

Les informations fournies par nos archives nationales se bornent là. Bien peu de chose sur l’homme et presque rien sur l’ouvrier. Quant au peintre proprement dit, il n’en est pour ainsi dire pas question. Sur ses œuvres, le silence est complet. La poésie, il est vrai, célèbre l’artiste en des vers qui démontrent son talent. Quand Ronsard cherche un peintre digne de reproduire la beauté qu’il adore, c’est à François Clouet qu’il s’adresse, et il lui dicte dans les moindres détails, depuis les cheveux jusques aux pieds, un portrait qu’on est tenté de confondre avec les portraits de Clouet, tant le style du poète est en harmonie avec la manière du peintre. C’est, de part et d’autre, la même grâce et la même netteté d’expression, la même recherche de détails, la même préciosité naïve encore et savante déjà. Ronsard composa cette élégie vers 1560, et ce fut vers cette époque aussi que François Clouet atteignit l’apogée de sa force et de sa réputation. Ronsard avait alors trente-six ans ; Clouet en avait environ cinquante. Le savant Muret, attaché à Hippolyte d’Esté, vint alors en France, et, au mot Janet, il écrivit dans ses commentaires à propos des vers de Ronsard : « Ronsard prie en cette élégie Janet, peintre très excellent (qui pour représenter vivement la nature a passé tous ceux de nostre âge en son art), de pourtraire les beautez de sa mie dedans un tableau. » On ne saurait mieux dire en faveur du dernier des Janet. Cependant, le témoignage des poètes, quelque éclatant qu’il soit, l’affirmation des historiens, quelque autorisée qu’elle puisse être, les documens authentiques eux-mêmes, malgré l’importance des archives d’état, tout cela n’est rien quand il s’agît d’un peintre, si l’œuvre de ce peintre ne fait directement sa preuve. Or, cette preuve, qu’il est impossible d’apporter en faveur des deux premiers Clouet, on la peut faire pour le troisième. François Clouet avait été le peintre par excellence de Charles IX. C’est Charles IX lui-même, et Charles IX en

  1. Par M. Jules Guiffrey (voir Revue de l’Art français. Janvier 1884).