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la barbe sont grisonnantes déjà et le poil en est devenu dur. Il y a quelque chose de lourd dans toute la figure. L’Endymion est en train de se transformer en Hercule. Le corps puissant projette une ombre épaisse sur les dalles en marbre du palais. On retrouve, d’ailleurs, les mêmes traits et le même caractère de physionomie que nous signalions dans le dessin de la Bibliothèque nationale. Le regard, cependant, a moins de vivacité, moins de douceur ; les yeux, très bien enchâssés dans leurs orbites, ont une contraction particulière qui leur donne quelque chose de presque dur ; le nez aussi est d’un dessin moins délicat ; et la bouche, sans être précisément maussade, n’a plus l’aimable franchise qui nous attirait tout à l’heure. La vigueur matérielle a pris décidément le pas sur la grâce et en a singulièrement effacé le charme. L’Inventaire général des tableaux du Roy, dressé par Bailly en 1709, attribue ce portrait à Janet. Au point de vue de l’exécution, il offre plus d’un point de ressemblance avec le portrait de Charles IX, à côté duquel il se trouve place dans la galerie du Louvre. Cette ressemblance, cependant, est loin d’être une identité. Malgré les analogies qui existent entre ces deux peintures, il y a outre elles une telle différence de mérite, qu’on a peine à y reconnaître la même main. Nous n’en avons pas moins là, avec toutes les apparences de la vie, le Henri II presque de la dernière heure. — Nous allons au-delà même de cette dernière heure en regardant le marbre de Germain Pilon que possède aussi le Musée du Louvre[1]. Cette tête, sculptée de main de maître et conçue comme pour une apothéose, a subi déjà les atteintes de la mort, et il se pourrait bien qu’elle ait été faite d’après la cire exécutée par François Clouet lui-même pour, les funérailles du roi. On y retrouve le personnage si fidèlement représenté par la peinture, et même, quoique de bien loin, le jeune homme si délicatement rendu par le crayon ; mais quelque soin que le sculpteur ait pris pour donner à la mort l’apparence de la vie, on sent les déformations finales que dix jours d’agonie ont imprimées à cette nature naguère si robuste et si vivante encore… Grâce à ces différens portraits, la figure d’Henri II nous devient familière.

Catherine de Médicis n’est pas moins bien connue. Ses portraits aux crayons de couleur se trouvaient dans tous les albums de la fin du XVIe siècle et sont répandus dans les principales collections de l’Europe. La Bibliothèque nationale, à elle seule, en possède cinq, qui suffiraient pour nous renseigner. Nous serions plus

  1. Ce buste ne fut exécuté qu’assez longtemps après la mort d’Henri II. (Voyez Quelques Sculptures de la Collection du cardinal de Richelieu aujourd’hui au Musée du Louvre, par M. Louis Courajod.)