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pour presser M. d’Arvoy de céder aux sommations qui lui avaient été adressées, en ajoutant que, si les Hovas donnaient cours à leurs menaces, il ne pourrait lui prêter aucune assistance. Mais, soit qu’il ne jugeât pas le danger aussi imminent qu’on le lui représentait, soit qu’il eût placé une confiance exagérée dans les moyens de résistance dont il disposait, M. d’Arvoy refusa de déférer aux avis qui, de différens côtés, lui signalaient les très sérieux dangers auxquels il s’exposait. Peu de jours après, un corps de 1,500 à 2,000 Hovas, qui s’étaient dissimulés dans les bois environnans et dont l’approche n’avait pu être signalée, envahissait, dans la nuit du 19 octobre 1856, l’habitation de M. d’Arvoy. Secondé par ses employés et ses noirs, M. d’Arvoy opposait à ses agresseurs une résistance désespérée ; mais il succombait sous le nombre, et les Hovas emmenaient en esclavage tous ceux des travailleurs qui survivaient à la lutte.

L’événement dont nous venons de retracer les sanglantes péripéties eut alors un grand retentissement dans les colonies voisines, surtout aux îles Maurice et de la Réunion, mais en France on envisagea plus froidement les choses. Le gouvernement, après une enquête minutieuse sur ces faits qui lui étaient dénoncés comme une insulte faite à notre drapeau, décida avec raison, suivant nous, que l’attentat, n’ayant pas été commis sur une terre française, ne pouvait donner lieu à aucune demande de réparation aux Hovas, ni motiver contre eux aucune mesure comminatoire.

Puisque le gouvernement actuel a jugé à propos de se départir de la ligne de conduite suivie par les gouvernemens qui l’ont précédé, et de faire revivre des droits qu’on devait croire tombés dans l’oubli, nous dirons, sans nous attarder à la discussion du bien fondé de ces droits, que la contrée qui fait l’objet de nos revendications ne vaut assurément pas les sacrifices que nécessitera son acquisition, ni ceux qu’il nous faudra sans doute faire encore pour nous y maintenir. C’est une terre assez aride, propre seulement à l’élève du bétail et ne pouvant être utilisée pour aucune des cultures tropicales ; il faut ajouter que la population y est très clairsemée, par suite de l’émigration sur les îles voisines de la plupart des habitans. Depuis plusieurs années, on y avait signalé, il est vrai, des gisemens houillers d’une assez grande richesse, dont l’existence a été depuis confirmée par l’examen d’un ingénieur très compétent, M. Guillemin, ancien membre de la commission d’études de Madagascar ; mais l’exploitation de ces mines ne pourra être de longtemps bien fructueuse, à cause de l’inexpérience absolue des indigènes dans ce genre de travaux, et de l’impossibilité non moins absolue d’y employer des Européens.