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fragmens produits par le choc de morceaux plus gros contre le sol : chacun constitue bien une météorite complète, puisqu’il est entièrement enveloppé d’une croate frittée, c’est-à-dire demi-fondue. Si jusqu’alors on n’en avait pas signalé d’aussi minimes, cela s’explique par la difficulté de distinguer de toiles parcelles au milieu des matériaux qui composent en général la surface du sol, et dans lesquels elles se perdent.

Quand il s’agit de débris d’astres, on ne saurait s’empêcher d’être surpris de dimensions aussi insignifiantes, même quand on considère, non-seulement les météorites isolées, mais le total de ce qu’on recueille à la suite des chutes les plus volumineuses. Comment ne s’en trouve-t-il pas de comparables à l’une de nos montagnes on pour le moins à l’une de nos collines. Ce ne sont que de menus fragmens, comme des décombres, une sorte de gravois cosmique.

Lorsque les météorites d’une même chute sont nombreuses, elles se répartissent en divers points compris dans un ovale très allongé, dont l’axe correspond à la direction de la trajectoire et dans lequel elles sont pour ainsi dire triées par ordre de grosseur. A Orgueil, cette aire de projection, sur laquelle des pierres ont été recueillies en une soixantaine de points, avait 20 kilomètres de longueur sur 4 de largeur : sa principale dimension s’étendait de l’ouest à l’est, c’est-à-dire dans le sens du mouvement du bolide. L’essaim était tombé un peu au-delà du point au-dessus duquel avaient en lieu la détonation et la rupture finales. Les plus grosses météorites se trouvaient à l’avant de cette sorte d’ellipse : les plus petites à l’arrière ; leur triage parait, donc bien avoir été produit par l’inégale résistance que l’air opposait à ces projectiles selon leur masse.

Au moment de leur arrivée sur le sol, les météorites ne sont plus incandescentes, mais encore si chaudes qu’on ne peut les manier. Toutefois cette chaleur est limitée à leur surface ; à l’intérieur, elles sont extraordinairement froides. Lors d’une chute qui eut lieu dans l’Inde à Dhurmsalla, le 14 juillet 1860, des spectateurs s’étant empressés de briser des pierres, brûlantes à l’extérieur, furent singulièrement surpris de les trouver glaciales dans leurs cassures et de ne pouvoir, pour des causes contraires, les toucher d’aucune manière : suivant la spirituelle expression d’Agassiz, c’était la reproduction de la glace frite des cuisiniers chinois, lue observation semblable a été faite, le 16 mai 1883, sur des pierres tombées à Alfianello, non loin de Brescia. Ce contraste entre la partie centrale qui conserve encore le froid intense des espaces planétaires et la partie superficielle qui, quelques instans auparavant, était incandescente, se comprend facilement, à cause de la faible conductibilité des substances pierreuses et du temps très court pendant lequel elles ont été échauffées.