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limons fins et les matières incohérentes de toutes sortes qui, généralement, constituent l’épidémie du sol, sont facilement entraînés par des courans d’air. Les imagos poudreux que nous voyons à tout instant s’agiter autour de nous ne donnent qu’une faible idée de l’importance qu’acquièrent ces transports, sous l’influence de vents violons et surtout persistans. La cendre de l’incendie de la ville de Chicago est parvenue aux Açores quatre jours après le commencement de la catastrophe, avec une odeur empyreumatique qui faisait supposer qu’elle provenait de l’incendie d’une forêt du continent américain. Les sables du Sahara sont la cause de nuages bien connus dans les îles du Cap-Vert, sous le nom de brume rousse. On en a observé de temps à autre une couche assez épaisse, saupoudrant le pont de vaisseaux qui naviguaient à plus de 1,600kilomètres de la côte occidentale d’Afrique. Parfois, L’atmosphère en est tellement obscurcie que des navires ne peuvent se diriger dans ces parages et s’y perdent. Dans une partie de la Chine, les habitans sont tout à fait habitués à un semblable trouble de l’atmosphère ; il n’y a pas d’année où il ne prenne assez d’intensité pour voiler l’éclat du soleil pendant plusieurs jours et devenir extrêmement incommode pour les personnes, une compensation, ces poussières apporteraient avec elles, d’après d’anciennes traditions, la fertilité au sol.

Sans aller aussi loin, en France, nous pouvons constater l’influence utile et fécondante des poussières atmosphériques. D’après M. Alluard, lorsqu’on séjourne au sommet du Puy de Dôme, on y est souvent frappé par un singulier contraste : à l’est, toute la Limagne apparaît presque constamment à travers un léger brouillard, tandis qu’à l’ouest l’air a une transparence parfaite. La cause en est dans la chaîne des Dômes, avec ses cinquante volcans éteints, leurs coulées de laves et leurs menues déjections volcaniques répandues à profusion. Il a été reconnu, à l’observatoire installé au sommet du Puy de Dôme, qu’à cette altitude de 1,500 mètres l’air est habituellement très agité et que les vents y acquièrent souvent une vitesse de 10 à 24 mètres par seconde. Ces vents presque constans balaient le plateau des Dômes et transportent au loin les poussières les plus fines qui se trouvent sur leur parcours. Or celles-ci renferment des élémens fertilisans par excellence, l’acide phosphorique, la potasse et la chaux ; de plus, leur extrême ténuité est des plus favorables à l’assimilation des plantes. Elles contribuent donc, d’une manière permanente, à l’inépuisable richesse de la plaine de la Limagne.

Bien plus que les anciens volcans de l’Auvergne, les volcans actuels sont la source d’abondantes poussières. Leurs éruptions lancent dans l’atmosphère des roches pulvérisées, incorrectement