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dispersées par les courans aériens. Ces poussières se produisent surtout au moment et comme une conséquence des détonations ; alors elles forment souvent de petits nuages d’un aspect particulier, tels qu’on en vit lors de la chute de L’Aigle, d’après le récit de Biot. De même, le bolide qui apporta les météorites charbonneuses d’Orgueil s’ouvrit en une gerbe d’étincelles, comme un bouquet de fusées, puis il laissa derrière lui une queue lumineuse qui se transforma bientôt en une nébulosité persistante et en nuages cotonneux d’une durée de huit à dix minutes. Dans ces deux cas, il s’agissait de météorites pierreuses. L’arrivée des masses de fer est accompagnée d’une fumée opaque et noire, non moins abondante. Ainsi au moment de l’apparition de l’holosidère de Hraschina, en Bohême, un nuage prit naissance à la suite d’une explosion et persista, dit-on, pendant trois heures et demie.

Quelle est l’action qui peut s’exercer si énergiquement sur le bolide et lui arracher, avec une telle rapidité, une partie de sa substance à l’état de poussière ou de menus débris ? La réponse se trouve dans les expériences que j’ai faites à l’aide des gaz explosifs, en vue d’imiter les cupules des météorites. Des masses gazeuses, douées d’énormes pressions, provoquent sur les corps solides qu’elles choquent une pulvérisation presque instantanée. C’est ce qui doit arriver aux bolides, pendant qu’ils traversent notre atmosphère. Ajoutons qu’ils contiennent du fer métallique, du nickel, du soufre, du phosphore, quelquefois du charbon : ces corps, après avoir contribué par leur combustion dans l’air, à la chaleur et à l’éclat éblouissant qui ne font jamais défaut, ont aussi une part dans la production du nuage qui ne tarde pas à se montrer. A en juger par la persistance de la fumée et par l’espace qu’elle occupe dans le ciel, on doit conclure que les bolides fournissent à notre atmosphère des quantités très considérables de poussières métalliques et pierreuses.

Beaucoup de bolides, lors même qu’on ne trouve pas de pierres lancées par eux à la surface du sol, se manifestent exactement de la même manière que ceux dont il vient d’être parlé. La distinction que l’on chercherait à établir entre les uns et les autres, à raison de cette circonstance toute fortuite, ne parait pas fondée. De part et d’autre, même incandescence ; mêmes détonations multiples, à la suite desquelles ils volent en éclats ; même traînée lumineuse et apparition de nuages qui persistent après la disparition du météore, quelquefois pendant plusieurs heures. De là encore des poussières d’origine cosmique, comme celles qu’on a observées le 13 mars 1813 dans le Frioul, en Toscane et en Calabre, en même temps que des météorites tombaient dans ce dernier pays, à Cutro. En novembre 1819, les environs de Montréal et la partie