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d’arriver à l’état où nous le voyons aujourd’hui. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil d’ensemble sur la constitution de son écorce. Les roches qui nous supportent dans cette région de la France et s’étendent dans la plus grande partie des continens ont une disposition de nature à fixer les yeux les moins attentifs. Elles sont divisées en grandes plaques parallèles, auxquelles on donne le nom de couches, et quelquefois aussi le nom de bancs, d’assises ou de strates. Cette disposition les a fait nommer « stratifiées, » On peut rigoureusement prouver que les roches en couches ou stratifiées, quelle que soit leur nature, ont été formées par la nier, qui, à des époques extrêmement reculées et pendant de très longues périodes, a séjourné dans des régions fort éloignées de son domaine actuel et aujourd’hui soulevées bien au-dessus de son niveau.

D’abord les roches stratifiées renferment des cailloux ou galets et des sables, semblables pour la forme et la disposition à ceux que la nier dans ses mouvemens produit tous les jours et amasse sur ses bords et dans son bassin : on ne peut douter d’une communauté d’origine. En outre, dans ces mêmes roches en couches, on trouve, et quelquefois avec une prodigieuse abondance, des débris d’animaux marins, surtout des coquilles et des polypiers, débris que l’on comprend sous le nom général de fossiles. Les coquilles entières ou brisées constituent dans certains cas la totalité de la roche ; ce fait démontre encore plus clairement l’intervention de la mer, où s’accumulent aujourd’hui de la même manière et de toutes parts les dépouilles solides de ses innombrables habitans. Enfin la disposition en couches très étendues, par rapport à leur épaisseur, complète l’analogie avec les sédimens contemporains qui se superposent dans le cours des siècles, en s’étalant à peu près horizontalement.

La série des roches stratifiées est supportée par d’autres roches d’une toute autre nature. Tout le monde connaît la principale d’entre elles, le granite, que l’on emploie pour border nos trottoirs. Ces dernières ne renferment ni débris arrondis et usés par les eaux, ni restes d’êtres ayant vécu. Leur formation a dû être très différente de celle des roches stratifiées et se produire sous l’influence d’une température élevée. Il importe de remarquer que ces masses granitiques existent partout dans la croûte terrestre, soit à la surface, soit à une certaine profondeur. Dans un lieu quelconque, on serait certain de les atteindre en creusant un puits suffisamment profond ; à Paris, il faudrait certainement traverser quelques kilomètres. Le granite forme donc comme le soubassement des terrains stratifiés, leur fondement universel.

En examinant ces derniers terrains, on voit qu’ils se sont empilés