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surface et enveloppés d’une croûte solide. Voici en quels termes, précis et succincts, il les assimile à des soleils éteints : « Feignons que cette terre où nous sommes a été autrefois un astre, en sorte qu’elle ne différait en rien du soleil, sinon qu’elle était plus petite ; mais que les moins subtiles parues de sa matière, s’attachant peu à peu les unes aux autres, se sont assemblées sur sa superficie et y ont composé des nuages ou autres corps plus épais et obscurs, semblables aux taches qu’on voit continuellement être produites, et peu après dispersées, sur la superficie du soleil. » Si l’on se reporte à L’époque de Descartes, malgré les immortelles découvertes de Copernic, de Kepler et de Galilée, il faut reconnaître que l’idée d’assimiler les astres obscurs, comme la terre, aux astres lumineux, tels que le soleil, était singulièrement hardie. Quarante ans plus tard, l’idée d’une fluidité originelle était adoptée par Newton et lui servait à déduire, au moyen du calcul, l’aplatissement que devait présenter le sphéroïde terrestre, à raison de la vitesse de rotation dont il est animé.

Poursuivant avec méthode et rigueur la penser qui l’avait guidé dans la conception de l’univers et dans celle de l’origine de notre planète, Descartes voulut aussi considérer, au point de vue de la mécanique, l’histoire du globe, ainsi que l’arrangement et les déplacemens de ses différentes parties, il rattacha les dislocations que présente de toutes parts la « voûte terrestre, » au refroidissement et à la contraction de la masse qui la supporte. En examinant son exposé, et surtout la figure qui l’accompagne[1], on verra qu’il n’était pas possible d’énoncer plus clairement la pensée que l’émersion des continens et la formation de leurs inégalités sont le résultat d’un déplacement relatif des voussoirs de la croûte terrestre. Une telle vue s’était présentée à l’esprit du philosophe français, quoique de son temps l’étude du sol ne fût même pas entrevue et ne lui fournit par conséquent aucune base d’induction. Sa belle théorie sur l’origine des aspérités du globe fut pendant longtemps méconnue, en faveur d’hypothèses auxquelles on n’accorde plus aucun fondement. On fut ramené à cette idée féconde dont il avait doté la science de la terre, à la suite d’observations nombreuses et de bien des luttes. Leibniz lui-même, tout en s’appuyant en partie sur les idées de ce grand homme, avait mieux aimé attribuer la mise à sec des antiques fonds de mer à l’infiltration d’une partie de l’eau dans des animes, qu’il supposait dus à d’anciennes boursouflures de la masse primitivement fondue.

Dans une synthèse dont l’esprit humain n’avait pas encore offert

  1. Édition française de 1688, Ive partie, § 42, p. 322 et § 44, p. 323.