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Il nous semble que les livres qui traitent de l’histoire de l’art ont quelquefois été plus nombreux que cette année. M. George Perrot a suspendu, pour peu de temps, nous l’espérons, sa belle Histoire de l’art dans l’antiquité. Le Raphaël de M. Eugène Müntz n’est qu’une édition nouvelle d’un livre dont nous avons jadis ici même essayé, beaucoup trop brièvement, de dire la très haute valeur[1]. Il est vrai toutefois que, pour le texte comme pour l’illustration, les recherches de M. Müntz, ses scrupules d’historien, son goût d’artiste, ont fait de cette édition nouvelle un livre presque entièrement nouveau. Nous y insisterions donc s’il n’y avait intérêt, pour beaucoup de motifs, à réserver ce Raphaël pour une autre et prochaine occasion.

Moins facile à lire, beaucoup plus court, d’ailleurs, mais non pas moins complet en son genre, le livre de M. Ch. Perkins : Ghiberti et son École[2], fait partie de cette Bibliothèque internationale de l’art que dirige précisément M. Müntz. De Ghiberti, bien des lecteurs ne connaissent sans doute que les fameuses portes du baptistère de Florence, et il est vrai que quand on n’en connaîtrait rien d’autre, ce serait assez pour maintenir son nom parmi les plus grands de l’histoire de l’art. Mais il y en a pourtant plus à savoir et plus adiré, comme en témoigne justement le livre de M. Perkins. Rappellerons-nous à ce propos que M. Perkins, depuis longtemps, s’est fait un domaine de l’histoire de la sculpture italienne ? et, pour recommander son Ghiberti, n’est-ce pas assez que ce soit lui qui traite ce sujet ?

Nous n’avons pas besoin non plus de recommander à nos lecteurs le livre de M. Émile Michel : les Musées d’Allemagne, Munich, Col +++e, Cassel[3] ; ils le connaissent, puisqu’il fut fait pour eux. Disons seulement que si c’est l’œuvre d’un critique d’art, c’est aussi celle d’un peintre, et qu’il n’en faut pas davantage pour donner aux jugemens de M. Michel une autorité particulière. L’artiste, peintre ou musicien, n’est assurément pas le seul « juge » de l’art, mais peut-être en est-il le seul « démonstrateur. » De nombreuses gravures, bois texte ou dans le texte, et quinze fort belles eaux-fortes n’éclairassent ni ne vivifient, mais accompagnent et justifient le texte de M. Émile Michel, d’après Rubens, d’après Rembrandt, d’après Van-Dyck, d’après Antonio More. Citons à part les Fumeurs de Teniers, et un ravissant Intérieur flamand de Gonzalès Coques.

Faut-il avouer que le sens de la tapisserie nous manque ? le sens de la tapisserie, non celui des tapis, qui n’est pas, comme on sait, le même sens. Cet aveu, toutefois, ne nous empêchera pas de louer selon son mérite le savant livre où M. Jules Guiffrey a résumé l’histoire d’un art que l’on peut, en effet, selon son expression, qualifier d’art vraiment national. Aussi bien, quand à un certain point de vue, tout ce qui

  1. Hachette, Éditeur.
  2. Nouant, éditeur.
  3. Rouam, éditeur.