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nouvelle. Encore que les événemens de Crète soient venus, pendant deux ans, détourner les Grecs de la tâche laborieuse qu'ils avaient entreprise, la Grèce a fait plus de progrès de 1864 à 1877 qu'elle n’en avait fait de 1830 à 1864. Comme l’a très bien dit M. Antoine Vlasto : « Les Grecs avaient enfin compris que l’ère héroïque de leur indépendance était close, et qu'il fallait désormais demander au travail d’achever ce que la guerre avait commencé. » Sous l’action de cette idée, la Grèce progressa rapidement. l’instruction s’étendit partout, l’agriculture s’accrut, l’industrie fut créée, le commerce se développa, des routes sillonnèrent le pays, des villes nouvelles se construisirent, le banditisme disparut. En 1865, les recettes de l’état étaient, en chiffre rond, de 27,000,000 de drachmes; en 1877, elles montaient à 38,000,000. En 1860, l’étendue de la terre cultivée était évaluée à 700,000 hectares. En 1875, la statistique la portait à 1,100,000 hectares. Les vignes qui, en 1865, couvraient à peine 64,000 hectares, s’étendaient, en 1877, sur 103,000 hectares. Durant ces douze années, enfin, on établit un grand nombre de fabriques et de manufactures, et le commerce intérieur et extérieur augmente dans des proportions énormes. Les recettes de l’octroi montent de 843,000 drachmes à 3,340,000 drachmes; le mouvement d’importation et d’exportation s’élève de 141,000,000 à 195,000,000[1]. En 1878, les Grecs pouvaient dire que leur récent passé répondait de leur avenir. Ils peuvent dire aujourd'hui que le présent l’emporte sur ce passé. Depuis l’annexion de la Thessalie, l’accroissement du commerce, de l’industrie, de la fortune publique a été plus marqué encore. Autant la Grèce avait fait en trente ans, autant ensuite elle avait fait en dix ans, autant elle vient de faire en quatre ans. Voilà de quoi étonner les voyageurs de cabinet qui ne connaissent de la Grèce que la Grèce contemporaine.

Les progrès accomplis pendant la période précédente étaient dus principalement à l’initiative privée, au travail de la population. En 1882, l’état s’est mis sérieusement à l’œuvre, réformant l'assiette de l’impôt, relevant le crédit de la Grèce, ouvrant par des traités des débouchés importans aux productions du pays, favorisant les industries nouvelles, réorganisant l’armée et la marine avec l’aide des deux missions françaises du général Vosseur et de l’amiral Lejeune, entreprenant partout des travaux considérables. A Syra, on a élargi le port; à Andros, à Calamata, à Patras, on a creusé de nouveaux bassins; à Catacolon, on a élevé une digue

  1. Je me borne aujourd'hui à rappeler d’une façon sommaire les progrès de la Grèce, de 1865 à 1877, car je les ai exposés en détail, ici même, il y a quelques années. Voir dans la Revue du 15 février 1879 la Grèce et les Provinces grecques de la Turquie.