Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’ensemble du projet, au point de vue de la commodité du service, s’en est trouvé considérablement amélioré. Il a entouré le port proprement dit et l’espace laissé en réserve pour l’agrandir d'un canal en forme de fer à cheval, dont les branches parallèles, qui débouchent dans le fleuve, ont 5 kilomètres de long et peuvent donner passage, dans les plus basses eaux, à des bateaux calant 2 mètres. Le troisième côté du fer à cheval, qui longe les faubourgs de la nouvelle capitale, communique avec quatre bassins dont les quais présenteront 2,500 mètres de développement. On a donc attribué au cabotage autant d’espace qu'à la grande navigation. Cela n’a rien qui doive surprendre si l’on considère l’immense étendue des pays baignés par les trois grands fleuves qui forment l’estuaire de La Plata. Les innombrables bâtimens de rivière méritaient qu'on leur consacrât un port de cette ampleur, mais plus économique de construction que le grand bassin. Enfin, ces canaux latéraux, dont le fond est placé plus haut que celui du port des transatlantiques et qui communiquent avec lui par des saignées obliques, y favorisent la production de courans qui en renouvellent et en rafraîchissent les eaux.

Voilà un projet qui a certainement grande allure, et ce port, dans sa robuste simplicité de lignes, est taillé sur un patron qui n’a rien de mesquin. Le devis, présenté par M. Waldorp, était de 55 millions de francs. Les travaux, mis en adjudication, ont été soumissionnés à forfait pour une somme ronde de 50 millions. Aujourd'hui qu'ils sont assez avancés pour que l’on puisse indiquer presque à jour fixe l’époque où ils seront terminés, on sait qu'il n’y aura pas de mécomptes sur ce chapitre. Même en supposant que la province n’envisageât l’opération que comme un simple actionnaire, c’était, à ce prix-là, un excellent placement. C’est, du reste, à peu près le rôle que la province s’était attribué, et elle avait sollicité la concession du port comme aurait pu le faire une compagnie financière. Aussi les chambres provinciales se hâtèrent-elles d’autoriser l’emprunt qui devait procurer les fonds nécessaires, et un syndicat anglo-français mit-il un véritable empressement à le souscrire. Le gouvernement national lui-même, dont on aurait pu redouter l’opposition, ne fit aucune difficulté à laisser à la province de Buenos-Ayres l’honneur et la charge de l’exécution. Les vastes terrains qu'on lui donne autour du port, en les entourant d’une muraille qui fera des quais, des docks et de leurs accessoires un îlot de territoire fédéral, lui promettent, d’ailleurs, de beaux profits, car il est opulent ou besogneux selon que l’importation, qui lui paie des droits élevés, s’étend ou se resserre.

Les deux gouvernemens étaient à ce moment dans les meilleurs termes. L’époque de l’élection présidentielle était encore éloignée,