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améliorations de détail dont on l’avait dotée, à la demande et d’après les observations du capitaine Baudin, la rendaient fort supérieure à tous les navires du même rang que possédait alors la France. Ainsi, la muraille du gaillard d’avant fut entièrement fermée, ce qui n’avait encore en lieu pour aucune de nos frégates. La chaloupe descendait par un long panneau dans la batterie ; on supprima le panneau et on fit reposer la chaloupe sur le pont. La batterie resta de cette façon complètement dégagée. L’arrière fut disposé de manière à laisser un jeu facile aux pièces de retraite ; les sabords de chasse furent percés parallèlement à la quille. Tout fut sacrifié, en un mot, au bon service de l’artillerie. Commencé dans les premiers jours de novembre 1812, l’armement ne fut terminé qu’au mois de mai 1813. L’état-major se composait des lieutenans Gicquel-Destouches et Bellet, des enseignes Vieillard et Parseval-Deschênes, de dix aspirans dont un seul était Français, — les neuf autres avaient vu le jour à Gênes. L’équipage comprenait trois cent vingt-trois hommes : vingt-cinq seulement appartenaient aux départemens de l’ancienne France, le reste venait du Piémont, de la Ligurie ou de la Toscane.

Il y a dans la vie d’un navire deux momens solennels : le jour où il descend des chantiers et le jour où il sort pour la première fois du port. Il ventait grand frais, le port était encombré : le commandant de la Dryade fit virer à pic, établir les huniers. L’appareillage semblait scabreux. Comment allaient s’en tirer ces jeunes marins génois dont la plupart n’avaient jamais navigué que sur un bateau de pêche ? Vingt-cinq marins du Renard, restés attachés à la fortune de leur capitaine, étaient, par bonheur, venus apporter à bord de la Dryade les habitudes d’ordre et de silence du vaillant équipage dont la baie de Saint-Tropez garde encore le souvenir. Tout se passa bien. La Dryade pivota sur elle-même, circula sans encombre au milieu des navires et des bateaux semés sur sa route ; puis alla compléter l’instruction de ses marins novices à la mer. En temps de guerre, les équipages se forment avec une rapidité surprenante : tout se prend au sérieux et le zèle est d’autant plus grand qu’il a sa raison d’être. Un excellent esprit se développa immédiatement parmi ces Français de date si récente : ils se sentaient fiers de servir sous un capitaine que les autres navires leur enviaient. L’habitude qu’ont eue si longtemps les marins de Gênes de ramer dans des embarcations, quelquefois pendant des journées entières, pour se soustraire à la poursuite des pirates barbaresques, les a rendus les premiers canotiers du monde. L’amiral Baudin cite une traversée de vingt lieues marines accomplie à l’aviron entre la Spezzia et Gênes par un des canots de sa frégate dans l’espace d’un jour et d’une nuit.