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plus perplexe, il essaie d’une dernière tentative de conciliation et voici de quel style, lui qui naguère blâmait sévèrement la mollesse de la Convention, il parle aux rebelles : « Votre sort seul me touche, j’oublie vos injures ; jamais elles ne m’ont affecté… Je vous conjure donc pour votre propre intérêt d’ouvrir enfin les yeux et d’obéir aux lois. Vous dites que vous avez accepté la constitution, que vous êtes nos frères. Prouvez-le en ouvrant amicalement vos portes… La Convention peut faire grâce aux coupables s’ils prouvent qu’ils n’ont été qu’égarés. » Ainsi, pour attaquer Lyon, avec tous les moyens dont il disposait, malgré les préparatifs qu’il avait pu faire et les mesures préventives qu’il avait en le loisir de prendre du 29 mai au 12 juillet, il n’avait pas fallu moins de quarante jours à Dubois-Crancé. Encore ne se décide-t-il à tirer contre les rebelles son premier coup de canon qu’après avoir épuisé vis-à-vis d’eux toutes les voies de douceur et de persuasion. Que l’on admire après cela son activité, sa résolution et son énergie ; qu’on prétende qu’il ait déployé dans cette première phase du siège de Lyon des qualités militaires de premier ordre, c’est en vérité bien de la hardiesse.

Eut-il du moins, une fois les opérations commencées, un peu plus de vigueur et d’entrain ? Pour bombarder et brûler Lyon, ah ! oui certes. Du 23 août au 26 septembre, cette malheureuse ville eut à supporter le plus terrible ouragan de fer et de feu qui se soit jamais abattu sur une place de guerre. Le bombardement de Lille par les Autrichiens, en 1792, est resté fameux, et les historiens de la révolution n’ont pas en assez de sévérités pour ses auteurs. Celui de Lyon par Dubois-Crancé, par des Français, présente un bien autre caractère d’atrocité. La préméditation, l’ordre et la méthode qui présidèrent à cette affreuse destruction, sa longueur, l’indifférence avec laquelle elle s’accomplit, le calme et l’aisance avec laquelle Dubois-Crancé nous en parle, tout se réunit pour en augmenter l’horreur. Écoutez : « La nuit dernière nous a beaucoup servi pour établir nos batteries. Les bombes sont prêtes, le feu rougit les boulets, la mèche est allumée. Nous ferons la guerre demain soir à la lueur des flammes qui dévoreront cette ville rebelle. Oui, bientôt, Isnard et ses partisans iront chercher sur quelle rive du Rhône Lyon a existé. » (18 août, Lettre au comité.)

Quelques jours après, le 23, à la Convention : « Le feu des bombes a commencé hier à sept heures du soir (24 août 1793), après trente heures livrées inutilement à la réflexion. Les boulets rouges ont incendié le quartier de la porte Sainte-Claire. Les bombes ont commencé leur effet à dix heures du soir. A minuit, il s’est manifesté de la manière la plus terrible vers le quai de la Saône ; d’immenses magasins ont été la proie des flammes, et quoique le bombardement eût cessé à sept heures, l’incendie n’a rien perdu de