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ennemis d’employer ? On ne demande pas au brick de s’emparer du fortin ; il suffira qu’il lui impose silence pendant une heure et demie, temps jugé nécessaire pour l’escalade.

Les commandans de l’Alcibiade, du La Pérouse, de l’Iphigénie, successivement consultés, déclarent que, dans leur opinion, on ne saurait compter sur l’action des bricks. Ce n’est pas le feu du fortin qu’il faut craindre pour ces bâtimens, c’est la difficulté de se rendre au mouillage indiqué et l’impossibilité presque certaine de s’en tirer en cas d’insuccès : « Ne pourrait-on alors occuper préalablement les fortins soit par escalade, soit par une attaque en règle tentée par une troupe de débarquement ? » Il serait malaisé de surprendre des ouvrages que l’on doit supposer soigneusement gardés : parvint-on, d’ailleurs, à s’en rendre maître, comment s’y maintiendrait-on, dominé qu’on serait par les maisons voisines ? Le conseil, à l’unanimité, repousse le projet soumis à son examen : mieux vaudrait, suivant lui, embosser les frégates et les bricks parle travers des deux bastions qui regardent le large et opérer ensuite un débarquement sur le récif de la Gallega, récif qu’on a tout lieu de supposer guéable.

Malheureusement, ce second projet, avant qu’il soit possible de passer à l’exécution, exige de longues études, des reconnaissances préalables : la fièvre jaune ne laissera pas le temps de les entreprendre. Elle s’abat sur les deux frégates, et, en quelques jours, les convertit en hôpitaux flottans.


III

Le gouvernement français, cependant, avait résolu d’en finir. Des forces considérables se rassemblaient à Brest et à Toulon ; frégates, bricks et bombardes s’armaient à la hâte. On se proposait d’y joindre deux navires à vapeur, les premiers navires français de ce genre qui aient, je crois, traversé l’Atlantique. Le contre-amiral Baudin prendrait le commandement de cette division navale et arborerait son pavillon sur la frégate la Néréide. Le roi, pour mieux marquer le dessein bien arrêté de la France d’obtenir de justes réparations, confiait à l’amiral son propre fils, le prince de Joinville, investi du commandement de la corvette la Créole. L’expédition entrait dans une nouvelle phase.

Allait-on donc faire revivre ce fameux plan de Bolivar qui dort dans les cartons du ministère des affaires étrangères ? L’Amérique serait-elle divisée en petites monarchies, sous la garantie des flottes et des armées européennes ? « Les têtes faibles, au Mexique, nous affirme un témoin de ces événemens, n’en doutaient déjà plus.