Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

roi de Prusse n’est pas le plus vil et le plus misérable des rois, il ressentira cet affront, coûte que coûte ! »

D’après M. de Vérac, les commissaires de Woerden avaient sauvé la république, les patriotes, l’ambassadeur lui-même : « La Haye devait être le théâtre de l’émeute la plus sanglante : soixante-seize maisons avaient été d’abord dévouées au pillage, et, dans la suite, ce nombre avait été porté à trois cents. Celle que j’habite était placée en tête. » Dans sa réponse, datée du 9 juillet, M. de Montmorin blâmait « la grande légèreté de la princesse. Je présume que l’on sera trop sage à Berlin pour approuver sa conduite. » Tel était aussi l’avis du rhingrave : « Je sais à ne pouvoir m’y tromper que la Prusse ne songe nullement à prendre parti dans notre querelle. »

Frédéric-Guillaume « était en partie de plaisir dans une maison de chasse » quand arriva le courrier de Hollande. Ses ministres n’osèrent pas le déranger pour lui envoyer les dépêches. Il rentra en ville le lendemain. Le roi ne témoigna pas grande émotion en apprenant « l’arrestation » de sa sœur, il avait été prévenu de son projet au moment de la mise à exécution : « Je souhaite que tout cela tourne bien, » avait-il écrit à M. de Hertzberg. Le roi de Prusse était trop occupé à « faire représenter des opéras en l’honneur de Mme sa fille et de Mlle de Voss, sa dame de compagnie » pour se sentir très troublé en apprenant que cela avait mal tourné. M. de Thulemeyer, ministre de Prusse à La Haye, n’en reçut pas moins l’ordre de demander « l’élargissement » de la princesse, qu’on croyait « encore détenue. » Le comte de Goltz eut mission d’obtenir pour ces réclamations l’appui de la cour de Versailles. M. de Finck s’empressa d’instruire de ces décisions M. de Falciola, chargé de France à Berlin en l’absence du comte d’Esterno : « Que dites-vous de l’esclandre des patriotes ? L’injure est trop grave pour qu’on ait pu différer d’en demander satisfaction. « Le mémoire envoyé par Frédéric-Guillaume à M. de Goltz contenait un dramatique récit des outrages que sa sœur avait dû subir : » On a mis la princesse dans une auberge, on l’a séparée de sa suite ; on a mis des gardes avec des épées nues devant et même dans sa chambre. Je ne puis regarder cet attentat énorme contre une personne respectable qui me tient de si près que comme un affront personnel fait à moi-même. »

Aux réclamations insolentes du roi de Prusse comme aux reproches hautains du stathouder les états de Hollande ne pouvaient faire qu’une seule réponse : « Tout cela, pour autant que Leurs Nobles et Grandes Puissances en sont informées, s’est passé d’une manière très décente. » Le seul point litigieux qui resta prouvé fut celui-ci : l’officier de corps francs qui avait cru devoir interrompre