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et qui se retrouvent dans la période contemporaine de son histoire.


IV.

M. Blaze de Bury écrivait naguère : « l’opéra comique chôme en France quelquefois, mais n’y meurt jamais; le succès est toujours au fond du genre ; pour l’appeler à la surface, il s’agit d’avoir de l’esprit et du talent, et de vouloir s’en donner la peine. »

C’est vrai. Heureusement nous avons encore de l’esprit et du talent, et l’heure n’est pas venue de crier, même à l’Opéra-Comique : Finis musicœ ! Surtout à l’Opéra-Comique. Que d’œuvres charmantes nous y avons vues naître! Que d’œuvres charmantes aussi, nées à côté de lui, mais pour lui, sont venues, après la ruine de scènes éphémères, demander asile au vieux théâtre qui ne passe pas ! Il les a reçues ; c’est chez lui qu’elles vivent, et les échos d’autrefois redisent sans honte les chants d’aujourd’hui. Chaque jour, l’Opéra-Comique rattache à des promesses glorieuses la chaîne de ses glorieux souvenirs, et les Gounod, les Félicien David, les Delibes et les Bizet n’ont point démérité des maîtres de jadis.

Que nous veulent ici, dira-t-on, ces musiciens divers? Leurs œuvres ne rentrent pas dans le genre que vous étudiez, et qui n’est plus. Mireille ou Carmen'' ne sont pas des opéras comiques. Sans doute, au sens strict du vieux mot, ou même au goût des amans exclusifs du passé ! Mais il faut suivre, au lieu de la lettre qui tue, l’esprit qui vivifie, et voir, sous les dehors variables, l’essence qui demeure. De la Dame blanche à Mireille, de l’Épreuve villageoise au Médecin malgré lui, le fond du génie national est resté le même; les dehors seuls ont changé. n’avaient-ils pas changé déjà, et y a-t-il moins loin, par exemple, du Déserteur à Zampa, que de Zampa même à Carmen ? Notre opéra comique a suivi le temps ; il a reçu de la science et de l’âme moderne des procédés et des pensers nouveaux ; il a remplacé par des personnages plus vivans, plus passionnés, les figurines d’autrefois ; il a compris le paysage longtemps ignoré par la musique ; il a donné à l’orchestre plus d’importance et d’intérêt. Mais dans son développement, dans son progrès, il ne faut voir ni une déviation ni un désaveu. A travers le siècle, la veine musicale française coule inaltérée. Le ruisseau reste le même, entre sa source, où se mire à peine une rose, et son courant plus vaste où les grands arbres peuvent se regarder.

N’est-ce pas dans des œuvres de caractère moyen et de style tempéré, dans l’opéra comique, au sens large et un peu modernisé du mot, n’est-ce pas là qu’est l’honneur de notre musique contemporaine ?