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il a nommé quelques républicains à la place de quelques conservateurs.

On abuse d’une équivoque ou d’une apparence. Le pays n’a nullement changé depuis quatre mois. D’abord, il est bien clair que ces élections nouvelles, devenues nécessaires à la suite d’invalidations qui n’ont été qu’un coup de majorité et de force, se sont faites dans des conditions particulières qui devaient être peu favorables aux conservateurs. Les républicains, qui ont eu assez de crédit pour faire casser les élections d’octobre uniquement parce qu’elles leur avaient été contraires, n’ont pas caché qu’il s’agissait pour eux de prendre une revanche. Ils ont dit bien haut qu’ils entendaient cette fois réussir à tout prix, et ils ont appelé à leur aide toutes les forces, toutes les influences administratives. Ils n’ont pas eu seulement pour eux les circulaires ministérielles qui ont mis publiquement au service des préfets tous les fonctionnaires, ils ont eu recours, sans aucun scrupule il faut le dire, à tous les moyens avoués ou inavoués : pressions, captations, intimidations, menaces de toute sorte. M. le ministre des cultes a mis son autorité à leur disposition par la suppression des traitemens des desservans suspects, — ce qui est un procédé électoral employé probablement pour la première fois. Les républicains d’aujourd’hui ont eu un succès fait pour flatter leur orgueil : ils ont prouvé aux derniers partisans de l’empire de 1852, s’il en est encore, qu’ils pouvaient être surpassés. Ils ont perfectionné la candidature officielle ! Un certain déplacement de suffrages, dans ces conditions, n’a sans doute rien d’extraordinaire. Même avec ce déploiement d’influences officielles, cependant, à quoi est-on arrivé ? Le résultat matériel et définitif du scrutin peut avoir son importance, il peut être légalement décisif, il n’est pas tout. Que des députés élus le k octobre, invalidés par la chambre d’un coup d’autorité sommaire, n’aient point été réélus le 14 février, qu’il y ait quelques conservateurs de plus ou de moins au Palais-Bourbon, peu importe : en réalité, ces quelques conservateurs n’auraient décidé, en aucun cas, de la majorité dans le parlement.

L’essentiel pour le moment est dans la proportion des suffrages, dans le mouvement d’opinion dont le dernier scrutin est la mesure. M. Lambert de Sainte-Croix avait eu dans les Landes 37,000 voix au k octobre, il en a gardé 34,000 au 14 février. L’opposition avait eu 16,000 voix dans la Lozère, elle en a encore 15,000. Dans l’Ardèche, les conservateurs avaient eu presque tous 45,000 suffrages, ils ont retrouvé leurs 45,000 voix au dernier scrutin. De sorte que la situation n’a point changé autant qu’on s’est hâté de le dire. Il y a eu un effort violent qui a pu donner l’avantage matériel aux nouveaux élus. Le pays est resté moralement à peu près ce qu’il était, il n’a pas reculé. Ce qu’il disait au 4 octobre, il le dit encore au 14 février. Il y a quatre mois,