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nouvelle, et l’ère des divisions, des fractionnemens, où le régime avec des apparences de succès, s’affaisse par degrés en se croyant définitivement établi. C’est l’intérêt singulier de cette date de 1836. Les grandes luttes des premières années ont cessé par la défaite des factions. Les deux ou trois grands ministères qui ont décidé de la politique et du succès du régime, qui lui ont donné la force et l’équilibre, ont disparu-aussi. Des hommes qui se sont illustrés ensemble au combat, qui ont formé un instant le plus puissant faisceau de talens, les uns sont déjà morts, les autres commencent à se séparer, à faire des tiers partis, à opposer drapeau à drapeau, politique à politique. C’est l’ère des confusions parlementaires, des conflits d’ambitions, des rivalités d’influence, des jeux de l’intrigue politique. Une fois dans cette voie, les scissions s’accentuent et se multiplient, les ministères s’usent rapidement en manœuvres stériles au milieu de l’incohérence des partis. M. Thiers, qui, le premier, a essayé de faire sous son propre nom son ministère du 22 février 1836, a bientôt couru son étape : avant sept mois, il est au bout. A M. Thiers succède M. Molé, qui s’allie avec M. Guizot et ses amis les doctrinaires : c’est encore l’affaire de peu de temps; avant sept mois, l’alliance est rompue, on se sépare. M. Mole, resté seul, forme cette fois son ministère avec des hommes distingués, mais en dehors des grandes influences parlementaires, et, alors, il peut commencer à voir se former l’orage qui le menace. Il voit se préparer la guerre des grandes ambitions, des forces inoccupées du parlement ralliant et entraînant avec elles toutes les oppositions au combat contre un cabinet qu’on accuse d’être insuffisant, de n’être que le serviteur et le complaisant du prince. De là cette sorte de guerre civile au cœur du régime, ce grand déchirement qui s’est appelé la coalition de 1838-1839, où pendant des mois ce n’était pas seulement un ministère, c’était aussi la royauté qui se trouvait en cause dans sa dignité, dans ses prérogatives, et où ceux qui conduisaient la campagne étaient d’anciens ministres comme M. Thiers, M. Guizot, les chefs des partis constitutionnels, les plus puissans orateurs du parlement. Ces scènes d’autrefois que le jeune historien d’aujourd’hui ravive avec une habile et sincère sagacité, ne sont, il faut l’avouer, ni à l’honneur du régime parlementaire du temps, ni à l’honneur de ceux qui dévoilaient de singulières faiblesses d’ambition, d’étranges impatiences; elles sont du moins relevées par le talent et ta puissance de parole d’hommes comme M. Guizot, M. Thiers, M. Berryer, M. de Lamartine, M. Molé, qui montraient à quel degré en était encore, jusque dans ces tristes et dangereux débats, l’éloquence française.

Cette coalition de 1838-1839, qui est comme le point central de ce nouveau volume de l’Histoire de la monarchie de juillet de M. Thureau-Dangin,