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de la belle Francesca, mise à mort par le cruel tyran Malatesta. Ce fut ainsi que, rentrant au manoir sans être attendu, le burgrave de Borotin surprit sa femme au bras d’un galant et la tua, sans réussir à l’envoyer hors de ce monde, où la pauvre errante fait son purgatoire entre les murs et par les corridors du château, et l’expiation ne prendra fin que le jour où le dernier de sa race aura cessé d’être. Le premier acte se passe à nous exposer cette chronique d’avant-scène : le comte actuel avait deux fils, l’un est mort à la guerre, l’autre a disparu et désormais il ne lui reste qu’une fille, cette Bertha, au physique ainsi qu’au moral le portrait frappant de l’aïeule, une loi fréquente d’hérédité voulant que le dernier d’une race en résume les traits distinctifs. Comme son arrière-grand’mère, Bertha porte en son cœur un sentiment qui le ronge ; elle aime un de ces chevaliers ténébreux, partout si chers au drame romantique. Son père, informé du secret, se fâche d’abord, puis se ravise, disant qu’après tout, il s’agit d’un jeune seigneur de haute lignée, neveu d’un burgrave du Rhin et que, si la fortune est mince, l’honneur est grand. On invite donc le jeune comte Jaromir, et les accordailles vont leur train, quand, une nuit, la chevauchée des gens du roi s’arrête a la porte du château :


.. sans détours
Réponds donc, ou je fais raser tes onze tours;
De l’incendie éteint il reste une étincelle,
Des bandits morts, il reste un chef. Qui le recèle?
C’est toi ; ce Hernani, rebelle empoisonneur.
Ici, dans ton château, tu le caches...


Les brigands infestent la contrée et les troupes sont à leur poursuite. Tandis que les soldats fouillent le vieux donjon de bas en haut, le comte court prévenir son futur gendre pour l’emmener avec eux battre la campagne : la chambre est vide et la fenêtre ouverte ; le jeune homme aura pris les devans : au vieux sire de se joindre à lui et de montrer qu’un sang généreux coule encore dans ses veines. On part; Bertha, restée seule, sent redoubler ses angoisses : ce danger qui menace maintenant son père, ce fantôme de malédiction qui rôde là dans la nuit sombre! et son amant, pourquoi cette précipitation à quitter le château, quand tout lui conseillait de se concerter pour la défense? Ces distractions subites pendant leurs tendres causeries, ces troubles, ce mystère ; plus de doute ! Hélas ! pauvre Bertha, vos pressentimens ne vous ont point trompée :


Nommez-moi Hernani! nommez-moi Hernani!
Avec ce nom fatal je n’en ai point fini !