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n’ose l’espérer, quand un aveu timide le rassure et clôt l’intermède. C’est le récit de Racine mis en action avec des caractères plus conformes à l’épigraphie : Assuérus que l’ennui de ses grandeurs accable, un Salomon en quête d’une âme qui l’aide à se relever des énervantes délices du harem. Esther sera cette auxiliaire partout cherchée ; fille d’une race opprimée depuis des siècles, elle aura d’instinct et d’héritage tous les attributs de son peuple : volonté, calcul, ténacité, et c’est à la fois comme individu et comme type national qu’elle partagera l’empire. Cette maturité de réflexion chez une jeune fille, cette précocité d’éducation, j’entends crier au darwinisme. Hé bien! quand il y en aurait un peu, où serait le mal? Grâce à Dieu, nous n’en sommes plus à discuter Racine; il fut un médium incomparable et presque tous ses défauts se rapportent à l’esprit de son siècle. Mais que de choses librement et superbement caressées depuis en leurs tours et leurs alentours il nous indique au simple mouvement du discours, sans appuyer, — que de perspectives!


Dans l’Orient désert quel devint mon ennui !


Vers d’horizon immense, comme il s’en rencontre aussi chez Corneille :


Tous les monstres d’Egypte ont leur temple dans Rome !


Le dommage est que, chez nos classiques, la couleur, au lieu de se fondre dans la masse du tableau, se concentre dans un vers d’éclat, foudroyant mais isolé et semblable à ces diamans que nous appelons des « solitaires, » parce qu’ils ne souffrent aucun voisinage.

J’allais oublier Mélusine, un poème d’opéra, écrit pour Beethoven et qui se rattache au chapitre de la musique si intéressant dans l’œuvre de Grillparzer.


II.

Il l’avait étudiée, en effet, dès le premier âge, le piano d’abord, puis le violon, puis la composition jusqu’à pouvoir faire des quatuors, tout cela, à bâtons rompus, quittant et reprenant, oubliant même à ce point qu’un jour, voulant se distraire d’un chagrin, il ouvre son piano et s’aperçoit que c’est à recommencer. « Je pensai alors au temps jadis où mon professeur de basse chiffrée m’enseignait les accords fondamentaux, et, me croirez-vous?