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troisième acte entre Valentine et Marcel. Oh! ces exclusifs! jeunes ou vieux, toujours et partout les mêmes! Au besoin, n’en pourrais-je pas citer un parmi ceux d’aujourd’hui, et, — s’il vous plaît, des mieux qualifiés, — pour qui le Guillaume Tell de Rossini n’a qu’une scène, le finale des cantons ! A l’encontre de la théorie nouvelle, Grillparzer recommandait, avant tout, la virtuosité vocale. Il pensait, lui, homme de théâtre, qu’à l’Opéra, l’art du tragédien ne devait venir qu’en second, reprochant à nos Nourrit, à nos Falcon, de « trop jouer; » et, ce qui divinisait à ses yeux la Malibran, c’était de réunir, à titre égal, le double don: actrice et cantatrice incomparable!

Aujourd’hui que les livres de pensées réussissent, il y aurait tout un charmant petit volume à cueillir dans le champ si varié de Grillparzer, et celui qui se proposerait cette tâche n’aurait, ce semble, point perdu sa peine... Citons en terminant quelques aphorismes.

« L’esthétique de Lessing est syllogistique, l’esthétique moderne est psychologique. »

« Schiller tend vers la hauteur, Goethe en vient. »

« Le comique est expansif de sa nature, l’esprit est corrosif; les hommes d’esprit sont rarement bons, les vrais comiques rarement méchans ; l’esprit a son siège dans la tête, le comique vient de cette région mixte, à la fois imaginative et sentimentale, que les Allemands nomment Gemüth. »

« Il semble qu’on ait tout dit en faveur d’un artiste quand on a dit qu’il est original. Cela seul devrait, selon moi, suffire pour le classer au second rang ; ce qui caractérise ceux de premier ordre, c’est le sens du naturel; ils font, eux, comme les autres, seulement infiniment mieux. »

« La science et l’art, ou, si l’on veut, la poésie et la prose se ressemblent aussi peu qu’un voyage ressemble à une promenade : l’intérêt du voyage est dans le but qui nous l’a fait entreprendre, et l’intérêt de la promenade dans le seul plaisir d’aller devant soi. »

« Tout résultat est du domaine de la prose; le beau pour le beau, voilà la poésie: ce qui plaît sans aucune arrière-pensée d’utilité pratique. »

« La prose nourrit, la poésie désaltère et enivre. »

« Etes-vous classique ou romantique? Querelle absurde ! j’entre, à l’heure du dîner, dans un restaurant ; je me mots à table, et l’hôte me demande si c’est pour manger ou pour boire? « Mais, brave homme, c’est pour les deux. »

« Il est hors de doute que si vous ôtez à l’homme le pressentiment