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inconvéniens de l’alliance russe ; elle avait été son salut après Sadowa ; elle l’avait tiré de l’isolement ; elle lui avait permis de transformer l’Allemagne, de réduire à l’état de vassaux les plus proches parens du tsar et surtout de tenir la France et l’Autriche en échec. Mais la situation s’était modifiée depuis, et M. de Bismarck réglait sa politique d’après les circonstances. Il ne redoutait plus de complications, il avait besoin de la paix pour s’assimiler ses conquêtes et opérer la fusion des armées méridionales avec celles du Nord. Il n’avait rien à redouter de la France et de l’Autriche, elles étaient pour longtemps paralysées par leurs difficultés intérieures et leur réorganisation militaire. La Russie, au contraire, cherchait à soulever des complications en Orient, et le ministre prussien prévoyait que ses relations avec le cabinet de Pétersbourg, dont le prince Gortchakof exagérait trop hautement la portée[1], pourraient d’un jour à l’autre le mettre en face de la coalition des puissances occidentales qui avaient présidé au traité de 1856. Aussi évitait-il de s’expliquer sur la question d’Orient. Quand on l’interrogeait, il répondait qu’il ne lisait jamais les dépêches de Constantinople, bien que secrètement il caressât les vues du cabinet de Pétersbourg. Mais l’heure n’était pas venue d’inquiéter la Russie et de la sacrifier à l’Autriche. L’intime alliance avec le cabinet de Vienne avait à passer par bien des péripéties avant d’aboutir. L’empereur Alexandre devait, en 1879, par ses menaces, après les déceptions du congrès de Berlin, et sous de funestes influences, la provoquer

  1. Lettre du baron de Talleyrand. — « Le vice-chancelier veut à tout prix bien vivre avec Berlin; il s’applique, en toute occasion, à faire croire à une intimité plus grande que ne l’admet la légation du roi Guillaume à Pétersbourg. »