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compliqués de la politique échappent aux peuples, ils ont en revanche l’instinct des situations. La France sentait alors que son salut dépendait d’une intime alliance avec l’Autriche et qu’il serait funeste et criminel de s’engager dans une guerre sans être certain de son concours militaire.

L’avenir apparaissait moins menaçant au gouvernement de l’empereur; il ne se sentait plus isolé, les intérêts de l’Autriche se conciliaient avec les siens, il était certain qu’il trouverait dorénavant sa diplomatie à ses côtés, prête à le seconder, dans toutes les questions qui surgiraient en Europe. L’accord concerté à Salzbourg avait reçu une consécration nouvelle par l’entrevue de Paris. La France avait sanctionné par de chaleureuses démonstrations l’entente des deux souverains.

L’Angleterre, si étroitement associée à notre politique, depuis le commencement du règne, se désintéressait, il est vrai, sous l’influence de l’école de Manchester, des affaires du continent ; elle ne protestait pas contre la transformation de l’Allemagne ; comme toujours, elle prenait son parti des faits accomplis. A la veille de la guerre de Bohême, elle n’avait pas eu de blâme assez sévère pour le cabinet de Berlin ; elle s’attaquait au roi et outrageait son ministre. On traitait alors la Prusse comme un parent pauvre ; on la recherchait depuis qu’elle avait révélé ses ressources ; on se félicitait de sa fortune, on se flattait qu’on trouverait en elle un solide appui contre les exigences de la France et les ambitions de la Russie. Cependant les souvenirs de la guerre de Crimée, bien qu’attiédis, ne s’étaient effacés ni à Paris ni à Londres. La reine nous avait donné une marque éclatante d’amitié dans une heure de détresse, lors de l’incident du Luxembourg. Elle était sortie de son deuil pour écrire une lettre pressante au roi Guillaume et, par l’énergie de sa démarche, elle avait puissamment contribué à conjurer la guerre.

La Russie ne cessait de nous faire des avances, elle réclamait notre concours à Constantinople en échange des conseils qu’elle donnait à Berlin. Le prince Gortchakof se plaisait à rappeler les souvenirs de l’entrevue de Stuttgart, il semblait oublier, momentanément, la Crimée et la Pologne.

L’Italie, en revanche, causait à l’empereur d’amères déceptions. Elle était son œuvre. En la délivrant il avait cru assurer à la France une alliée à toute épreuve ; elle devait nous assister dans les congrès et sur les champs de bataille, et elle méconnaissait les services rendus, elle devenait pour notre politique un sujet d’inquiétude, une cause d’affaiblissement. Elle ajoutait à nos embarras en soulevant la question romaine au mépris du traité du 15 septembre;