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tique, mais son énergie était à la hauteur de sa tâche. Certain d’être inquiété dans sa retraite s’il tentait un mouvement en arrière, redoutant pour ses troupes la fatigue et la démoralisation qui en résulteraient, il se décida, après consultation avec ses principaux officiers, à ne pas lâcher prise et à se cantonner fortement dans la partie du village qu’il occupait. La matinée du lendemain fut employée à fortifier les abords de l’église, dont il reprit possession, à couvrir ses avant-postes par des revêtemens de terre et à rectifier la position de ses troupes. Vers midi, le feu reprit sur toute la ligne, le 90e bataillon et les grenadiers soutenus par l’artillerie attaquant de front les positions des rebelles, dont le tir semblait se ralentir. Encouragés par cet indice et formés en colonne, ils abordèrent vigoureusement l’obstacle, mais ce n’était qu’une tactique de Riel pour les amener à s’engager plus avant. Accueillis par un feu violent, ils furent obligés de reculer. Pendant cette attaque, le général Middleton avait fait creuser en arrière de sa colonne d’assaut des rifle pits occupés par ses meilleurs tireurs ; accentuant le mouvement de recul de ses hommes, il espérait que les rebelles, entraînés par la poursuite, viendraient se heurter à ces obstacles et qu’un retour offensif lui rendrait l’avantage, mais Riel et Dumont, prévenus par leurs scouts, qui se glissaient jusqu’aux abords du camp canadien, retinrent leurs hommes.

La journée du 11 devait être décisive. À six heures du matin, le général Middleton passait ses troupes en revue : « Il nous faut enlever Batoché aujourd’hui, mes enfans, et en finir. » À sept heures, l’attaque recommençait. Du côté des demi-blancs, aucun symptôme de lassitude. Leur feu bien nourri tenait leurs adversaires à distance ; les rifle pits étaient aussi nombreux et aussi bien défendus. Vainement l’artillerie faisait pleuvoir sur eux et sur les maisons de Batoché une grêle de mitraille : le tir continuait sûr et régulier. À midi, les assaillans n’avaient pas gagné un pouce de terrain. Après un court temps d’arrêt, la bataille reprit de nouveau.

À mesure que l’après-midi avançait, le feu des rebelles se ralentissait. Depuis quatre-vingts heures, ils tenaient bon dans leurs rifle pits, mais il était visible que leurs forces s’épuisaient et que leurs munitions diminuaient. Le général Middleton multipliait ses assauts ; à trois heures, il donna ordre au capitaine French de prendre le commandement des scouts tenus en réserve depuis le matin, et de se lancer à fond. À ce moment, un prisonnier de Riel, Astley, s’avançait en parlementaire, agitant un drapeau blanc. Il était porteur d’un message écrit de Riel ainsi conçu : « Si vous ne cessez pas immédiatement de tirer sur les maisons où sont réfugiés nos femmes et nos enfans, je fais mettre à mort les prisonniers que nous détenons, en commençant par Lasp, l’agent préposé aux ré-