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purifications solennelles. La légende en imposait à Apollon après qu’il eut tué le serpent Python et percé les Cyclopes de ses flèches. Un meurtrier se présente à Delphes, l’oracle le repousse et lui impose, comme pénitence publique, d’aller, dans un temple du cap Ténare, se soumettre aux cérémonies expiatoires. Les villes mêmes, afin d’éloigner un fléau ou de conjurer la colère d’un dieu, devaient être purifiées ; ainsi Athènes le sera par Épiménide, et Délos par les Athéniens.

Un rite plus singulier se pratiquait à Samothrace. Les Cabires obligeaient le suppliant à se confesser d’abord à leurs prêtres. Même exigence à Delphes : le coupable devait avouer son crime au prêtre d’Apollon et promettre le repentir.

Sur un point de la Grèce subsistait un reste de l’ascétisme indien. Dans une invocation à Zeus, « qui habite la froide Dodone, » Achille parle des Selles, « ses interprètes, qui couchent sur la terre une et dont l’eau ne lave jamais les pieds. » Mais les Grecs n’attachaient aucun mérite à ces privations. Ils voulaient bien prier les dieux et leur faire des offrandes ; ils n’entendaient pas leur sacrifier les joies de la vie.

Ces dieux, nés de la terre, passaient pour rester en communication constante avec les hommes. A chaque instant, des signes se montraient dans l’air, dans le corps des victimes, et des oracles parlaient dans tous les temples. Deux aigles planant sur l’assemblée que Télémaque avait convoquée dans Ithaque et se déchirant le cou avec leurs ongles, prédirent aux prétendans le sort qui les attendait. Les entrailles des victimes, dont un défaut de conformation était un signe funeste, la direction de la flamme et de la fumée du sacrifice, le vol des oiseaux, surtout de ceux, messagers célestes, qui, descendant des hauteurs de l’atmosphère, semblaient en rapporter des ordres suprêmes, l’éclair qui déchire le ciel, les songes envoyés par Jupiter, des sons inattendus, des rencontres fortuites d’hommes et d’animaux, des mots prononcés au hasard, car le hasard était la volonté divine, révélaient aussi l’avenir. Des devins interprétaient les présages et les prêtres faisaient parler les dieux. Il y avait donc comme un dialogue continuel entre le ciel et la terre. Mais le Grec ne courbait pas sa volonté, ainsi que fera le Romain, devant tous les signes que l’aruspice interprétait. Polydamas, pour détourner les Troyens d’attaquer les vaisseaux des Grecs, leur annonce un signe funeste : un aigle au vol altier planait à gauche, tenant dans ses serres un dragon couleur de sang qu’il laissa tomber avant d’avoir atteint son aire et nourri ses aiglons de cette proie vivante. Hector lui répond avec un dédain superbe et un vers héroïque : « Je ne m’inquiète point si des oiseaux volent à