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qui va tout guérir, car il opère une révolution complète dans la façon dont la propriété foncière a été jusqu’ici acquise, possédée et exploitée. Il n’aura pas longtemps à chercher des partisans, des alliés, et, en tout cas, des auditeurs. Son public est prêt. Qui ne sera impatient de connaître le nouvel évangile qui doit ramener la paix dans les cœurs ?

Mais ce n’est pas tout encore et, à côté des préoccupations générales que nous venons d’indiquer, s’en placent d’autres qui ne sont, si l’on veut, que des accidens, mais de ces accidens que leur fréquence fait ressembler singulièrement à un mal chronique.

L’Angleterre et les États-Unis ont atteint un développement industriel prodigieux. On y produit trop vite. Les bras abondent et les machines, la vapeur, l’électricité font, de leur côté, la besogne de milliers, de millions de bras. Au bout d’un certain temps, l’atelier, l’usine, la mine, se trouvent arrêtés. On est encombré, les magasins regorgent, il y a pléthore et, comme il faut à tout prix écouler ce trop-plein, la direction de l’atelier, de l’usine, de la mine se voit obligée, pour arriver à ce résultat, ou de ralentir la production, ou de faire travailler à meilleur marché, en abaissant plus ou moins le taux des salaires. Il arrive ainsi que l’ouvrier mène une existence précaire et passe sa vie entre ces deux menaces : le chômage et la grève, — le chômage, contre lequel il ne peut rien ; la grève, qui lui est imposée par le comité de son trade-union et qu’il est presque également impuissant à conjurer. Voit-on d’ici un ami des classes laborieuses, ému des difficultés de leur position et venant dire à l’ouvrier : « Tu ne vis plus, tu ne t’appartiens plus. J’ai trouvé ce qu’il le faut. Je sais le secret de ton bonheur. Tu vas devenir ton maître. Tu n’auras plus à redouter les surprises du lendemain, tu seras assuré contre les caprices du sort. » Comment un tel libérateur ne serait-il pas acclamé par ceux auxquels il ferait de si belles promesses ?

Le réformateur dont nous parlons, ce penseur, ce publiciste, cet ami des classes laborieuses n’est pas, on l’a compris, un personnage fictif, inventé uniquement dans l’intérêt dramatique de notre récit. C’est l’auteur du livre retentissant dont nous parlions. Il s’appelle Henri George.

Nous venons d’indiquer les causes qui ont aidé au succès absolument extraordinaire de son livre. Faisons maintenant plus ample connaissance avec ce nouveau docteur et voyons ce qu’il enseigne.


I

M. Henri George appartient par la nationalité aux États-Unis et par ses origines à l’Angleterre : son grand-père du côté paternel,