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d’un sérieux examen de la part d’un conclave de clergymen anglais. En Écosse, des pasteurs et des professeurs de l’église libre ont fait plus que de les examiner : ils les ont ostensiblement approuvées ; ils ont même tenu des meetings et fait des conférences pour les propager. Enfin, des économistes, des penseurs, — ou des hommes à qui l’on a fait cette réputation dans l’une au moins de nos universités, — ont soutenu, à ce que l’on assure, qu’ils ne voyaient pas comment il serait possible de les réfuter, et qu’elles marquaient, selon toute apparence, l’aurore d’une nouvelle ère économique. »

Ce mouvement, déjà très décisif, en faveur des tendances et des doctrines qui se révèlent dans Progrès et Pauvreté, M. George devait l’accentuer encore par son influence personnelle et par son éloquence pendant une tournée qu’il fit dans les différentes parties de l’Angleterre, au commencement de l’année 1884. Il y vint sur l’invitation d’une société pour la réforme agraire (Land Reform Union) qui s’était constituée quelques mois auparavant en vue de créer une agitation dans le sens de la restitution de la terre au peuple. M. George fut présenté au public anglais dans un grand meeting tenu à Saint-James Hall, le 9 janvier 1884, sous la présidence de M. Labouchère, membre du parlement. Dès cette première entrevue, il put se convaincre que, s’il comptait en Angleterre, — et comment en aurait-il été autrement ? — de nombreux et puissans adversaires, il y possédait aussi de chauds amis.

On voit que le missionnaire venu de si loin trouvait une terre bien préparée et que les classes qui ont en partage l’aisance et la culture se montraient relativement accessibles à son enseignement. Il n’avait pas trouvé en Amérique un chemin si facile auprès de la bourgeoisie, ce qui prouve, une fois de plus, la vérité de cette observation déjà ancienne que nul n’est prophète chez soi. Cette sympathie, non pas générale, — car il ne s’agissait de rien moins que d’un enthousiasme universel, — mais très réelle chez un petit nombre de personnes, ce qui était déjà beaucoup, il n’avait pas été seul à l’éveiller. L’influence exercée par ses propres écrits avait été secondée par celle de quelques penseurs plus ou moins avancés.

Arrêtons-nous au plus marquant d’entre eux. Coïncidence piquante ! presque au moment où paraissait Progrès et Pauvreté, un peu après cependant, un savant anglais, bien connu comme naturaliste et explorateur, M. Alfred Russell Wallace, publiait un livre roulant sur les mêmes questions et qu’il intitulait : Land Nationalisation, — its necessity and its aims (La terre rendue à la nation ou, si l’on nous passe encore une fois ce néologisme : La nationalisation de la terre : nécessité et but de cette réforme), dans lequel, par un travail de réflexion absolument indépendant, il