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« La connaissance des formes primitives de la propriété peut présenter un intérêt immédiat aux colonies nouvelles qui disposent d’immenses territoires, comme l’Australie et les États-Unis, car elle pourrait y être introduite de préférence à la propriété quiritaire… Citoyens de l’Amérique et de l’Australie, n’adoptez pas le droit étroit et dur que nous avons emprunté à Rome et qui nous conduit à la guerre sociale. »

Mais le socialisme agraire n’est pas seulement autour de la place ; il est dans la place même, il a en France des représentans, peu nombreux il est vrai, mais très authentiques et convaincus, dans le monde des savans comme dans les rangs du peuple.

L’autre jour, l’Académie des sciences morales et politiques avait à examiner, dans un de ses concours, un livre d’un professeur de l’Université que son talent recommandait à l’attention, mais dont elle s’est refusée à « encourager les doctrines en les couvrant de l’autorité qui s’attache au titre de lauréat. » Et qu’y avait-il donc de répréhensible dans cet ouvrage ? « On ne suit pas assurément la meilleure voie, écrivait M. Levasseur, chargé du rapport sur le concours, en signalant la propriété foncière comme « un véritable privilège, » et on n’inculque pas dans les esprits une juste notion d’économie politique lorsqu’on laisse penser que la suppression de la propriété immobilière pourrait, dans les sociétés modernes, constituer un progrès social[1]. »

C’est l’autre jour aussi qu’un philosophe et publiciste bien connu, M. Alfred Fouillée, cherchait, fidèle à sa tendance ordinaire, à concilier dans une synthèse supérieure les économistes de la vieille école et les socialistes. Il suffirait pour cela, d’après lui, de constituer à côté de la propriété privée, à laquelle il ne serait pas touché, une propriété collective que le temps se chargerait d’augmenter, et qui aurait pour effet de contre-balancer les effets fâcheux du régime individualiste sous lequel nous vivons, en diminuant les inégalités sociales[2].

Si M. George occupe une place à part à côté des divers réformateurs socialistes que nous venons de nommer, cependant il a avec eux plus d’un point de contact. M. Paul Leroy-Beaulieu a déjà signalé ses ressemblances avec Colins, et n’a vu dans son système qu’une variété américaine du collectivisme franco-belge.

Voilà pour les théoriciens de cabinet. Mais, à côté d’eux, il y a les théoriciens des réunions populaires, des meetings ouvriers, parmi lesquels le socialisme agraire trouve plus d’un partisan. C’est ce

  1. Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, 1885, 10e livraison, p. 553.
  2. Voir la Propriété sociale et la Démocratie. Paris, 1885 ; Hachette.