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LE
LE PLAISIR ET LA DOULEUR
AU POINT DE VUE DE LA SÉLECTION NATURELLE



I. G.-H. Schneider : Freud und Leid des Menschengeschlechts, Stuttgart, 1883. — II. Rolph : Biologische Probleme. Leipzig, 1884. — III. Léon Dumont : Théorie scientifique de la sensibilité (nouvelle édition). — IV. Delbœuf : Théorie de la sensibilité. — V. Nicolas Grote : Psychologie de la sensibilité. Saint-Pétersbourg, 1880. — VI. Fr. Bouillier : le Plaisir et la Douleur (3e édition.)


Comme l’ont dit Platon et Aristote, il n’y a probablement chez l’homme ni plaisir ni déplaisir absolument pur : les deux sentimens se trouvent mélangés à doses inégales par l’art subtil de la nature, et l’impression définitive dans notre conscience est une résultante où l’emporte un des élémens. Cette complexité de toute émotion pourrait se déduire des deux conceptions dominantes de la physiologie moderne. La première de ces conceptions, c’est que notre corps est en réalité une société de cellules qui ont chacune leur activité propre et luttent entre elles pour la vie. Chez les animaux inférieurs, chaque partie de l’organisme semble encore jouir ou souffrir pour son propre compte, comme dans le ver coupé en deux ; chez les animaux supérieurs, il se produit une sélection et une fusion finale des impressions élémentaires qui aboutissent au cerveau. Il est probable que des rudimens d’émotions agréables ou désagréables émergent de toutes les parties et viennent retentir dans la conscience générale, de manière à lui communiquer le timbre du plaisir ou celui de la peine, selon les élémens auxquels reste la victoire. Nos peines et nos plaisirs seraient ainsi le résumé des peines ou plaisirs élémentaires d’une myriade de cellules : un