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d’avoir découvert un nouveau manuscrit de Longus ou savamment élucidé un passage obscur d’Hérodote, cela vaut Rocroy, Fribourg et Norlingue. Mais ce n’est pas l’opinion de l’illustre auteur de l’Histoire des princes de Condé pendant les XVIe et XVIIe siècles, — et ce n’est pas non plus la nôtre.

A la vérité, il n’y a pas beaucoup d’apparence qu’en écrivant ces deux volumes, presque tout entiers consacrés à la mémoire de celui que l’on continuera longtemps encore, nous l’espérons, d’appeler le Grand Condé, M. le duc d’Aumale ait eu l’esprit très occupé du paradoxe de Courier, ni qu’il se soit aucunement soucié d’en débrouiller l’artifice. M. le duc d’Aumale a fait œuvre d’historien, d’historien habile, d’historien savant, d’historien éloquent ; et rien que d’historien. Mais il n’en a pas moins fait voir qu’un général d’armée ne s’improvise pas, que le génie lui-même ne saurait se passer ni ne se passe effectivement d’une longue, d’une lente préparation, et que le hasard enfin ou la fortune, quoi qu’en aient pu dire de petits philosophes, n’est pas le seul Dieu des batailles. D’autres loueront, ont déjà loué les mérites particuliers de cette Histoire des princes de Condé : — l’évidente et très grande supériorité de ces deux volumes sur les deux précédens, où l’on eût voulu plus d’aisance et de facilité ; l’abondance et le prix des nombreux documens sur lesquels l’historien a fondé son récit ; la brièveté militaire, la clarté, la simplicité du style ; — nous n’en voulons retenir ici que ce qu’ils nous apprennent de nouveau sur la jeunesse et l’éducation de Condé. Beaucoup de renseignemens, en effet, jusqu’à ce jour épars un peu partout dans les Mémoires du temps, et souvent, pour diverses raisons, assez peu dignes de foi, ce livre non-seulement les juge ou les complète, mais encore il les remplace et y substitue définitivement son autorité. Quiconque se méprendra désormais sur Condé, son caractère, la nature de son génie, le détail de ses premières campagnes, c’est qu’il le voudra bien ; M. le duc d’Aumale a tout dit ; et c’est pourquoi nous ne saurions saisir une plus naturelle et plus favorable occasion de revenir au vainqueur de Rocroy.

Lorsque Louis de Bourbon fut né, le 8 septembre 1621, le premier soin de son père, Henri, troisième prince de Condé, fut de soustraire l’enfant à l’influence de Madame la Princesse, la belle, élégante et frivole Charlotte de Montmorency, la dernière passion, comme l’on sait, d’Henri IV, mais non pas la moins bruyante, ni surtout la moins folle. Loin de Paris, en bon air, « en pleine campagne, en face d’un horizon monotone, mais large et bien ouvert, » il établit donc son fils à Mont-rond, sous la tutelle éclairée de demoiselle Luisible et de dame Perpétue Lebègue, femme d’un conseiller au présidial de Bourges. Montrond était une forteresse ou au moins un château fort que Sully