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« Je ne partage en rien, disait Mazzini le 17 novembre 1867 dans une des notes passées au comte d’Usedom, les vues politiques du comte de Bismarck, sa méthode d’unification n’a pas mes sympathies ; mais j’admire sa ténacité, son énergie et son esprit d’indépendance en face de l’étranger. Je crois à l’unité de l’Allemagne et je la désire comme je désire celle de ma patrie. Je déteste l’empire et la suprématie que la France s’arroge sur l’Europe. Je crois que l’alliance de l’Italie avec la France contre la Prusse, dont les victoires nous ont donné la Vénétie, serait un crime qui imprimerait une tache ineffaçable à notre jeune drapeau. Tout en conservant notre indépendance réciproque pour l’avenir, je pense donc qu’il y a lieu à une alliance stratégique contre l’ennemi commun entre le gouvernement prussien et notre parti d’action. La Prusse fournirait un million de francs et deux mille fusils à aiguille. Je m’engagerais, en retour, sur l’honneur, à rendre impossible toute alliance entre l’Italie et la France, et à renverser, s’il persistait dans ses desseins, le gouvernement du roi. »

Mazzini alarmait le cabinet de Berlin pour le gagner à ses projets ; il exagérait à plaisir l’entente entre la cour de Florence et celle des Tuileries. Il surprenait la bonne foi de la diplomatie prussienne en lui exposant dans des notes les projets qui, d’après lui, se tramaient entre les alliés de 1859. Il troublait son sommeil en affirmant que dans une des armoires du ministère des affaires étrangères se trouvait « un rouleau de huit pages de papier anglais, et que ce rouleau, recouvert de velours bleu, contenait un protocole secret joint à la convention du 15 septembre 1864. » Il prétendait que la guerre contre la Prusse était résolue, que les troupes françaises seraient retirées de Rome et qu’en échange de cette concession, l’Italie mettrait une armée au service de notre politique. Le rouleau fatidique n’existait malheureusement que dans l’imagination fiévreuse du conspirateur italien. Mazzini connaissait mal les hommes. Il se trompait en accusant Victor-Emmanuel de s’être lié per fus et nefas à Napoléon III, comme il s’était mépris en 1858 en affirmant que jamais un souverain français ne se prêterait à l’unité italienne.

Le cabinet de Berlin n’était pas éloigné de croire aux projets qu’on lui dénonçait, mais il n’en avait pas la preuve, et c’est cette preuve qu’il désirait avoir. Le comte d’Usedom demandait à Mazzini de la lui fournir ; il aurait voulu qu’il lui procurât une copie authentique du mystérieux protocole contenu dans « le