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l’épaisseur de la nappe océanique, puisque les coraux dont on constate la présence s’accommodent mal des profondeurs excessives[1]. Le mouvement de hausse des fonds sous-marins, une fois inauguré, ne cesse de se prononcer à mesure que l’on s’élève dans la série. « Les faunes, dit encore M. Collot, sont de moins en moins pélagiques et la mer est de plus en plus circonscrite dans des bassins déterminés ; les environs d’Aix en particulier paraissent avoir été mis à nu, sur la fin du néocomien, par le fait du mouvement ascendant qui vient d’être signalé. » De là, d’après le même auteur, la première ébauche du relief de Sainte-Victoire, cette masse rocheuse dont la croupe hardie borne au nord la vallée du Lar et domine le champ de bataille où Marius extermina les Teutons.

Un autre savant, dont l’amitié nous interdit de faire l’éloge et qui médite de tracer l’histoire détaillée des événemens que nous résumons ici, M. le professeur Marion, a délimité les rivages de la mer sénonienne en Provence[2]. C’était une mer en voie de retrait, c’est-à-dire que, plus circonscrite que celle des étages antérieurs, elle tendait elle-même à disparaître, réduite graduellement à une profondeur décroissante, insensiblement convertie en lagunes saumâtres, jusqu’au jour où elle devait faire place à des eaux douces, encombrées de plantes palustres, d’où sont finalement provenus les lits de combustibles connus sous le nom de lignites du bassin de Fuveau.

Suivons cette marche des anciennes eaux, en prenant pour guides non-seulement les savans déjà cités, mais un autre géologue, leur doyen, M. Philippe Matheron, qui, le premier, sut porter la lumière sur les points obscurs ou mal interprétés de la série entière des phénomènes dont la Provence fut alors le théâtre. La Provence « sénonienne » n’était plus une région insulaire, séparée par la mer de la région des Alpes. Soudée maintenant à celle-ci, elle faisait partie d’une étendue continentale, déjà assez imposante, quoique très éloignée de ressembler à ce qu’est l’Europe moderne. Quant à la mer de la craie moyenne, qui remplissait la vallée du Rhône, elle échancrait le sol provençal sur deux points, dessinant deux golfes étroits et sinueux, l’un plus large et plus profond, partant de l’étang de Berre pour s’étendre au-delà d’Auriol et de Saint-Zacharie jusqu’au Plan-d’Aups et au pied même de la Sainte-Baume ; l’autre plus étroit, plus petit et plus capricieusement dessiné le long de ses bords, s’avançant vers La Ciotat et le golfe des Lèques pour aller atteindre et dépasser le Beausset, au nord-ouest de Toulon. Les

  1. Collot, Description géologique des environs d’Aix-en-Provence, p. 157. Montpellier, 1880.
  2. Revue scientifique, n° 25, 1872.