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chaudes ou tempérées. Des immensités des mers du sud émergent seulement les territoires du cap de Bonne-Espérance, de l’Australie du Sud, de la Nouvelle-Zélande, du Chili et de la République argentine. C’est à peine si tous réunis équivalent à la moitié de l’Europe. Par compensation, l’océan qui les baigne y entretient, la température privilégiée : des climats maritimes et les dispose à recevoir et à enrichir une population relativement nombreuse, pour qui, en tous les cas, la vie sera plus, facile et le labeur plus lucratif.

Sous la zone torride, nous ne trouverons nulle part de troupeaux domestiqués ; en Asie et en Afrique, le chameau et l’éléphant prêtent à l’homme le secours de leur force motrice ; en Amérique dans la même contrée, là où l’altitude tempère les chaleurs excessives, la vigogne, le lama, l’alpaga et le guanaque rendent les mêmes services, fournissent une laine précieuse, mais leur nombre est fort réduit, et nulle leur importance industrielle : le bœuf et le mouton sont à peu près inconnus dans ces régions ; on ne les rencontre que dans quelques vallées où ils vivent pauvrement.

Les pays froids sont aussi déshérités. L’hémisphère sud n’en contient pas : aucune terre n’émerge de l’océan austral au sud du 45e degré, sauf l’étroite pointe de la Patagonie, et la Terre-de-Feu. Les pays froids du Nord, beaucoup plus étendus, ne connaissent que le renne. La Norvège, la Russie du nord et le Canada ne peuvent entretenir de troupeaux qu’à la condition de les abriter et de les alimenter de la réserve de leurs pâturages, pendant les sept à huit mois de stabulation que le climat leur impose.

La zone chaude et la zone tempérée, au point de vue de cette étude, ont donc seules une importance. La seconde, parce qu’elle embrasse les pays les plus peuplés et de consommation plus active, la première, parce qu’elle contient les grands pays d’élevage, où la production dépasse les besoins de la population. Les lois de cette production sont assez mal connues pour que les étudier ne soit pas superflu.

Habitués en France à la banalité de l’élevage en chambres closes, au spectacle du berger dans sa maison à roulettes, promenant sur les jachères quelques brebis, ou recueillant dans les rues des villages, pour le mener paître sur les communaux, le bétail peu nombreux de tous les habitans, nous avons, lorsque nous sortons du cercle ordinaire de nos observations, une soif de surprise et d’imprévu qui nous cache les ressemblances entre les usages des divers pays que nous parcourons pour ne nous laisser donner d’importance qu’aux différences superficielles : il serait plus intéressant de noter à quel point sont semblables entre elles les mœurs des hommes adonnés aux mêmes travaux dans des hémisphères différens et dans des milieux très semblables. C’est, en effet, surtout