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hausser sur place le prix des denrées alimentaires, ce qui en paralyse l’exportation. Ainsi en est-il des États-Unis, dans toute la région la plus anciennement conquise par l’Européen qui va de la frontière canadienne au Mississipi et de l’océan à une limite indéterminée au milieu des prairies, où la population avance chaque jour sous la poussée qui vient à la fois de l’est et de l’ouest. Là déjà, sur des terres qui se paient jusqu’à 1,800 francs l’hectare, comme cela se voit en Pensylvanie, la culture intensive est seule possible et l’éleveur ne peut prospérer que grâce aux prix élevés qu’il obtient de tous les produits de son troupeau : ce n’est pas à lui qu’il faut demander de la viande produite sans frais. Au contraire, dans les plaines des continens américains et océaniques situées sous une latitude d’élection, le bétail a devant lui l’espace, la vie libre, une nourriture variée, il y grandit et y multiplie sous le regard de l’homme qui recueille sans effort les profits abondans de ce travail de la nature abandonnée à elle-même : moisson spontanée, mouton, pépite, qu’il trouve sous ses pas au milieu des herbages.

Le nombre des régions privilégiées est peu considérable : la nature a mesuré ses bienfaits avec parcimonie. Aux États-Unis, la région est loin de comprendre tout le territoire situé au-delà de Mississipi que l’on désignait sous le nom de prairie et qui est devenu le Far-West. Bien que l’élevage ait des tendances marquées à s’étendre dans le nord et à accaparer de grandes surfaces dans les états du Kansas, du Colorado, de l’Utah même, ces contrées sont également envahies par l’agriculteur et aujourd’hui encore puisent leurs troupeaux dans le Texas. C’est, à proprement parler, ce seul état dont nous aurons à nous occuper en y joignant, si l’on veut, une bande étroite à prendre au nord du Mexique et quelques-unes des parties de cette république séparées aujourd’hui et rattachées aux États-Unis, le tout formant une superficie de 1 million de kilomètres carrés soit deux fois la superficie de la France. Le Texas à lui seul occupe 688,000 kilomètres carrés et ne possède que 600,000 habitans.

Dans l’Amérique du Sud, la plaine disposée pour l’élevage et jouissant, sous la latitude d’élection, des avantages climatologiques que l’on a indiqués, couvre 4 millions de kilomètres carrés, dont plus des trois quarts appartiennent à la République argentine et le reste à celle de l’Uruguay et à la province brésilienne de Rio-Grande do sul. Dans l’Océan austral, les seules contrées qui puissent prendre rang à côté de celles-ci sont la petite colonie anglaise du cap de Bonne-Espérance, les provinces du sud de l’Australie, Victoria, Queensland, Nouvelle-Galles du Sud, Australie du Sud et occidentale, la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande.