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terrain de l’état avec l’intention ou l’espoir de l’acheter, et généralement cet homme primitif et sans relations se voit contester ou enlever son droit par quelque habitant de la ville plus expert : il a alors la ressource de devenir locataire de cet usurpateur ou même son associé. Le principe de l’association est, en effet, également répandu dans tous ces pays, où ce que le propriétaire évite avant tout, c’est de payer la main-d’œuvre d’un salarié. Généralement, les animaux sont parqués en liberté dans de grands espaces de 200 ou 300 hectares, clos de fils de fer ou de traverses de bois, quand il abonde ; ils paissent en liberté et ne sont pas ramenés le soir dans des parcs, comme le sont les moutons dans la pampa ; ce système, de beaucoup préférable, exige des frais d’installation que seuls peuvent se permettre les propriétaires riches. L’élevage des bœufs se fait dans le bush comme dans la pampa ; ici aussi, il a la mission de préparer les terres vierges et d’y précéder le mouton ; son nombre augmente, mais non pas dans les mêmes proportions que dans l’Amérique du Sud ; l’espace qui s’offre à lui est plus limité, et les Australiens préfèrent améliorer la qualité de leurs troupeaux et ne pas en augmenter démesurément le nombre. Il est déjà considérable ; celui des bêtes à cornes s’élevait, en 1882, à 10 millions et celui des moutons à 66 millions. Si l’on songe que la surface cultivée en Australie ne couvre que 4 millions d’hectares, que les troupeaux en occupent 150 millions, soit trois fois la surface de la France, et que la superficie des terres inoccupées et libres est encore de 400 millions d’hectares, on peut supputer l’avenir de l’élevage dans ces contrées. Les quarante dernières années nous donnent à peu près la mesure de ce que promettent les années futures, en tenant compte de ce que les capitaux formés servent d’assises à des créations nouvelles et que les runs existans peuvent fournir aux nouveaux squatters des troupeaux à bon marché. Le prix des animaux et de la terre est ici beaucoup plus élevé que dans l’Amérique du Sud ; ces deux matières premières de l’élevage ont une grande importance dans les pays neufs. Les moutons, améliorés partout, valent de 10 à 15 francs par tête ; quant à la terre, son prix ne descend guère au-dessous de 50 francs l’hectare et s’élève à 200 francs, même pour des terres domaniales ; les propriétés anciennement occupées se vendent à des prix supérieurs, jusqu’à 1,500 francs l’hectare dans la Nouvelle-Galles et 850 dans la Nouvelle-Zélande. La superficie nécessaire à l’entretien d’un mouton varie suivant les régions ; dans certaines parties, il faut compter 2 hectares pour un mouton ; dans la Nouvelle-Zélande, dont la situation est meilleure que celle de l’Ile australienne, 1 hectare suffit à deux ou trois moutons ; dans les prairies artificielles, déjà bien nombreuses, 1 hectare suffit à dix ou douze. La colonie, anglaise aussi, du cap de Bonne-Espérance, a avec