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commerciales françaises ; il ne l’était pas pour des Anglais. Les éleveurs australiens furent les premiers à le mettre en pratique, ils trouvèrent aide et capitaux en Angleterre.

L’invention Jullien-Carré servit de point de départ. Au lieu de recourir aux produits chimiques, qui sont quelquefois difficiles à se procurer dans les pays d’outre-mer, on obtint le froid tout simplement par la compression de l’air ; deux systèmes, celui de Haslam et celui de Bell-Coleman, à peu près semblables, furent mis en pratique. On construisit d’abord des vapeurs spéciaux, uniquement destinés à ce commerce, mais bientôt on comprit qu’il était de beaucoup préférable d’aménager, sur les transports ordinaires, des machines prêtes à produire le froid, en cas de besoin, dans des cales pouvant recevoir, à défaut de cette marchandise spéciale, d’autres de toute nature. On construisit, dans les ports d’embarquement, en Australie depuis cinq ans, et depuis trois ans à la Plata, des hangars munis d’appareils à produire le froid et destinés à recevoir des milliers de moutons au fur et à mesure des offres des producteurs et des abatages. Jusqu’ici bien des voyages ont été faits, l’heure des tâtonnemens est passée, la preuve est complète au point de vue industriel. Le problème cependant n’est pas encore commercialement résolu.

Les pays d’élevage libre peuvent-ils fournir d’une façon constante la matière exportable ? Les pays consommateurs sont-ils disposés à l’accepter et à absorber les quantités qu’on leur présentera ? Malgré le nombre d’animaux existans et leur prix de revient dans les pays exotiques, malgré le prix élevé et la demande beaucoup plus active de viande en Europe, ces deux questions posées n’ont pas reçu encore la réponse qu’un observateur superficiel aurait pu faire a priori.

Il a fallu reconnaître que, dans les pays à pâturages naturels, les animaux, malgré les croisemens, restent petits ; de plus, les longues marches que leur permet la libre disposition de grands espaces donnent à la chair des membres de la locomotion une fibre résistante et non pas ce développement charnu obtenu en Europe par la stabulation et très recherché du consommateur. Il est très difficile à la Plata de trouver cent moutons pesant 70 livres, impossible d’en trouver mille ; leur poids ne dépasse pas la cote très basse de 45 à 50 livres. Le pâturage naturel, en outre, n’est pas un pâturage d’engraissement ; l’animal s’y soutient, produit sa laine, y trouve les élémens de sa structure, engraisse même à une certaine saison, mais cette graisse tombe aux premières chaleurs ou aux premiers froids. Il y a donc pour l’éleveur, s’il veut exporter, deux progrès à réaliser qui