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tenaient lieu et l’on plaçait ces figures, peintes, gravées ou sculptées, sur une multitude d’objets. Ce sont ces objets que les fouilles profondes rendent à la lumière, bijoux, vases, pesons de fuseau, ustensiles divers, pierres tumulaires, peintures murales. Les figures de divinités et les tracés symboliques s’y rencontrent en nombre immense. Leur interprétation exige la connaissance, non empirique, mais scientifique, des langues et des mythologies, surtout des langues, car ce sont elles qui donnent la signification des symboles.

Sans pousser plus loin cette analyse, le lecteur comprendra, au point où les études archéologiques sont parvenues, quelle étendue de connaissances cette science exige. Certainement en cela elle ne le cède point à l’histoire naturelle, dont les musées, depuis si longtemps en voie de formation, occupent aujourd’hui de si vastes espaces. Rien ne se ressemble mieux, quant à la méthode et à la disposition, que la collection d’antiquités du Louvre et le muséum du Jardin des Plantes. Mais, de même que les animaux exposés au muséum sont des formes inertes dont l’interprétation est fournie par la physiologie comparée, de même, les antiquités du Louvre requièrent une interprétation dont la mythologie comparée et la linguistique fournissent les élémens. Il faut conclure de là qu’un archéologue peu versé dans l’étude des mythes et des langues sera exposé à commettre les plus graves erreurs et pourra se contenter du rôle de collectionneur expérimenté.


III.

Étudions, comme un exemple instructif, les intéressantes découvertes faites à Tirynthe par le docteur Schliemann ou avec des fonds qu’il a fournis. Mais rappelons-nous d’abord que, suivant les idées qui viennent d’être exposées, il a été le premier à promulguer et à faire prévaloir deux principes essentiels et parfaitement justes : c’est que les plus anciens restes de terres cuites sont antérieurs aux plus anciennes constructions et plus durables qu’elles; en second lieu, que dans les fouilles il faut descendre jusqu’au sol vierge. Nos lecteurs connaissent depuis longtemps ce chercheur persévérant; ils savent que chaque année il consacre une partie notable de ses revenus à quelque recherche archéologique. Il dirige les travaux ; quand il en est empêché ou quand il se défie de sa compétence, il demande le concours d’autres personnes ; il se charge ensuite de la publication en Angleterre, en Amérique, en Allemagne et en France, des résultats obtenus. Ses livres ne reproduisent pas toutes