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qu’il y a d’extraordinaire. Si on ne peut pas faire autrement, il faut bien s’y soumettre, et ce qu’il y aurait de mieux, en ce cas, ce serait de procéder simplement, en tâchant du moins de profiter des expériences malheureuses auxquelles on s’est livré ; mais ce qu’il y a d’étrange, c’est de tout déguiser, d’aller chercher mille atténuations, mille explications de fantaisie, et rien, certes, sous ce rapport, n’est plus curieux que cette discussion récente qui a fini par le vote de l’emprunt nouveau, réduit à neuf cents millions. Qui le croirait ? on explique tout par le passé, par les régimes déchus, et les fautes qu’on commet à leur exemple, et l’exclusion des conservateurs de la commission du budget, et les découverts qui pèsent sur le trésor. Un des grands financiers républicains, M. Jules Roche, a cru devoir recommencer cette histoire, qui n’est ni nouvelle ni sérieuse. — Et quand les monarchies, qui se sont succédé au courant du siècle, auraient commis des fautes, est-ce une raison pour les imiter et les aggraver ? Quand elles auraient laissé des découverts, est-ce une raison pour y ajouter sans cesse aujourd’hui, pour les augmenter démesurément ? A chacun sa responsabilité. Ces régimes anciens ont en sans doute leurs dépenses ; ils ont pu avoir leurs erreurs, ils ont en aussi leurs grandeurs qu’on n’imite pas. La dernière assemblée nationale elle-même, qu’on met si souvent en cause quand il s’agit de l’accuser, cette assemblée a eu à liquider les désastres de la dernière guerre et elle les a liquidés victorieusement ; elle a laissé une situation financière libre et forte. La responsabilité des républicains commence au moment où ils ont pris le pouvoir, et, à dater de ce jour, s’ouvre ce règne qui leur appartient, où en peu de temps les dépenses ordinaires ont augmenté de 600 à 700 millions, où les découverts ont atteint un chiffre supérieur à celui des découverts de tous les autres gouvernemens pendant un demi-siècle, où la dette s’est accrue en pleine paix de plusieurs milliards, où les déficits s’échelonnent d’année en année. Est-ce que la restauration et la monarchie de juillet sont pour rien dans les dettes et les déficits infligés au pays depuis six ou sept ans ?

Eh bien ! soit, dit-on, on a emprunté, on a dépensé beaucoup en peu de temps ; mais de quels biens n’a-t-on pas comblé le pays ? On lui a donné des chemins de fer, des canaux, des écoles. Assurément il faut bien que tout cet argent ait été dépensé d’une certaine manière, et personne ne suppose que les ministres des finances ou les membres de la commission du budget en aient fait leur profit ; mais ce qu’on reproche, ce qu’on a le droit de reprocher aux financiers républicains, c’est d’avoir tout épuisé dans un intérêt de parti, d’avoir engagé à outrance les ressources du pays, et, en dépensant beaucoup, d’avoir dépensé sans choix, sans ordre, sans discernement. Le résultat est cette situation où M. le ministre des finances en est venu à juger nécessaire de s’arrêter, de