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marais de Lerne ; sur la gauche aussi, à quatre kilomètres du rivage, on voit la citadelle d’Argos ; au fond de la plaine, on aperçoit Mycènes, qui domine le passage conduisant à Corinthe. Tirynthe est sur la route de Nauplie à Mycènes, non loin du rivage. C’est une petite colline isolée, haute de vingt mètres environ et couronnée par une fortification cyclopéenne. L’enceinte, allongée du sud au nord, est longue d’environ trois cents mètres. Les pierres dont elle est formée pèsent de trois à quatre mille kilogrammes ; ce sont les plus gros blocs que l’on rencontre dans les murailles de ce genre, et c’est par leur masse qu’ils avaient étonné également les anciens et les voyageurs modernes. Un autre fait attirait l’attention : c’était une galerie régnant dans l’épaisseur du mur oriental et percée de six ouvertures. Cette galerie et ces baies ont une forme ogivale ; mais ce ne sont pas en réalité des ogives, puisqu’elles n’ont pas de clé de voûte et que leur forme aiguë provient du rapprochement progressif des pierres à chaque assise. Dans l’enceinte, on ne remarquait à la surface aucune ruine ; on voyait seulement que le sol était formé de débris. Après des sondages qui avaient ramené du fond quelques objets anciens et fait connaître l’épaisseur du remblai, M. Schliemann entreprit, en 1884, sous la surveillance du gouvernement hellénique, le déblaiement général de l’enceinte et le dégagement des murs. Ce travail fut repris, l’année suivante, par lui-même et par ses collaborateurs allemands. Il a été très bien fait. Voici, en résumé, ce qu’il a fourni à la science.

Le long du mur oriental monte, du nord au sud, un chemin qui bientôt s’engage entre deux fortes murailles et franchit une porte analogue à la fameuse Porte-aux-Lions de Mycènes. La rampe atteint, vers le sud, le haut de l’acropole, et, tournant à droite, pénètre dans l’enceinte par un propylée. Parlons d’abord de la fortification ; car on annonce sur ce point des faits qui vont bouleverser beaucoup d’idées, s’ils se vérifient. Jusqu’à présent on avait, avec les auteurs anciens, regardé ces murs, dits cyclopéens, comme formés de blocs choisis (c’est l’expression grecque), mais non travaillés, posés les uns sur les autres par assises irrégulières, sans mortier d’aucune sorte. On croyait, en outre, que les vides laissés aux angles de ces blocs avaient été simplement remplis par des pierres plus petites. Tout cela était une illusion qui durait depuis plus de deux mille ans. Les blocs, paraît-il, ont été détachés d’une montagne voisine, taillés, même sciés, quoique bien durs. En outre, ils ont été unis par un mortier de terre rouge délayée, qui joignait en même temps les petites pierres de remplissage. Ce mortier ne s’aperçoit pas du dehors, mais on le distingue dans la profondeur des jointures. Ces faits ont besoin d’être vérifiés ; nous attendrons