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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/94

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que le cerveau, — c’est-à-dire la volonté, — peut ralentir, affaiblir ou diminuer les réflexes involontaires. Par exemple, la toux provoquée par un corps étranger dans le larynx est un acte réflexe. Assurément elle est bien involontaire. Et cependant, en concentrant toute notre attention, et en faisant des efforts extraordinaires, nous la ralentirons, nous la retarderons, nous en diminuerons l’éclat, la violence. Ce sera la volonté qui affaiblira l’acte réflexe.

Autre exemple. Que l’on approche vivement un objet de notre œil, et aussitôt, par un acte réflexe irrésistible, nous fermerons les paupières. Le clignement de l’œil, à la suite de cette menace infligée à l’œil, est un excellent type d’acte réflexe. Eh bien ! dans ce cas, la volonté est plus ou moins efficace. Quelques personnes, avec un grand effort, arriveront à empêcher leurs yeux de cligner : pour d’autres, ce pouvoir sera facile ; mais d’autres, malgré toute l’énergie de leur volonté, ne pourront y parvenir[1]. Nous dirons alors que le pouvoir d’arrêt du clignement réflexe, ou mieux la force d’inhibition, pour se servir du terme technique, n’est pas le même chez ces divers individus.

Ce pouvoir d’inhibition, c’est la volonté ; ce n’est certainement pas toute la volonté ; mais c’est un de ses élémens les plus importuns, celui qui se rapproche le plus des phénomènes physiologiques simples, et, par conséquent, celui qu’il est bon de prendre pour type quand on étudie la volonté.

Or la peur, réflexe psychique, involontaire et conscient, peut être, dans une certaine mesure, modifiée et entravée par la volonté. C’est là un des phénomènes les plus curieux et les plus mystérieux de l’histoire de cette émotion instinctive.


V.

Nous avons achevé les explications physiologiques plus ou moins arides. Maintenant les faits seront faciles à comprendre.

En parlant des réflexes psychiques, nous avons dit qu’ils ne dépendent pas seulement de l’excitation extérieure qui ébranle l’organisme, mais surtout de l’élaboration, par l’intelligence, de cette excitation. Le sifflement d’une balle qui fait trembler le soldat, le rugissement d’un lion qui fait trembler le chien, l’odeur d’un éléphant qui fait trembler le cheval, sont des excitations par elles-mêmes indifférentes. Elles n’ont puissance d’émotion que parce

  1. M. Mosso, à ce propos, cite un passage de Pline, qui raconte qu’on éprouvait la valeur des gladiateurs en cherchant ceux qui, ainsi menacés, ne fermaient pas les paupières. On en trouvait fort peu d’ailleurs.