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1884 et de 1885, pour lesquels il était devenu si difficile de se procurer des fonds. Cependant, les conventions étaient la condamnation flagrante de la politique suivie depuis cinq années; en effet, si elles assuraient la construction d’un tiers des lignes comprises dans le plan Freycinet, elles rejetaient dans un avenir éloigné l’exécution d’un autre tiers, et le dernier tiers était complètement passé sous silence.

Les discussions financières de 1883 et des premiers jours de 1884 furent particulièrement instructives. Veut-on avoir la preuve que le budget avait cessé d’être le résumé fidèle des dépenses publiques, et que la chambre, par des votes inconsidérés, imposait au pays des charges extra-budgétaires sans assurer les moyens d’y faire face? Écoutez M. Tirard se disculpant d’avoir dû recourir à des expédiens de trésorerie qui donnaient prise à la critique : « Que voulez-vous que je fasse, disait non sans quelque amertume le ministre des finances, si vous voulez que je ne recoure pas à de semblables expédiens? Eh bien ! lorsque vous votez une dépense, votez en même temps une ressource! c’est ce que vous ne faites pas. Pour le budget de 1884, vos votes antérieurs et celui que vous allez émettre m’imposent l’obligation de payer, entendez-le bien, en 1884, la somme de 252 millions pour lesquels vous ne m’avez donné absolument aucune ressource budgétaire. Cette dépense de 252 millions ne se trouve pas dans les chapitres du budget; mais elle m’est imposée par la loi de finances. Quand vous m’imposez l’obligation de payer 252 millions, pour lesquels vous ne me donnez aucune ressource, que voulez-vous que je fasse ? » Il ne s’agissait ici ni du budget ordinaire, ni du budget extraordinaire, ni même des crédits extraordinaires prévus, mais des lois qui créaient à l’impromptu des dépenses destinées à prendre place dans les budgets suivans, et dont une partie était immédiatement exigible, et surtout des diverses caisses, alimentées par l’emprunt, qui ne figuraient au budget que par l’inscription des arrérages à servir, et qui tiraient à vue sur le trésor pour les subventions mises à leur charge. Harcelé par les partisans fanatiques de la laïcisation, par les apôtres de la dépense à outrance et même par une partie de la commission du budget, le même ministre insista à diverses reprises sur la nécessité de mettre un frein aux dépenses, en donnant clairement à entendre qu’on avait manqué de prévoyance et de mesure. « Ce qui me frappe le plus, disait-il à la chambre, dans la situation où nous sommes aujourd’hui, c’est que cette situation, si l’on avait su prendre son temps, opérer avec patience, avec modération, et si l’on n’avait pas voulu tout faire à la fois, ne serait pas embarrassée ; mais on a voulu faire en même temps des chemins de fer, des ports, des canaux, des routes, des chemins vicinaux.