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autrichiens. Les partisans du roi de France étaient traités, — c’est Willot qui le déclare, — non en amis, mais en suspects.

Il ne touchait pas au bout de ses épreuves. Il aurait voulu former des dépôts de munitions et de vivres. Les généraux autrichiens s’opposaient à ce qu’il les organisât, retardaient son départ, condamnaient à l’oisiveté son petit corps d’armée, dont les officiers et les soldats essayaient de se distraire en prenant part à quelques combats d’avant-postes livrés aux Français par l’armée autrichienne. Tant de difficultés énervaient le courage de Willot. Les lettres qu’il recevait de l’intérieur l’appelaient avec persistance, exprimaient la surprise causée par les lenteurs de son expédition. Elles affirmaient que dix mille hommes armés, équipés, ayant des chefs, l’attendaient; que de Nice à Toulouse, de Marseille à Clermont, l’insurrection ne demandait pour éclater qu’un signe de lui. Mensongères étaient ces assurances, où se manifestaient encore les illusions royalistes. Mais Willot y ajoutait foi[1]. Elles rendaient son attente plus douloureuse. Il s’ingéniait à tromper son activité paralysée. Il envoyait des émissaires à Naples pour solliciter des secours. Il voulait réunir à l’île d’Elbe une petite armée sous le commandement du duc de Berry. Il étudiait les moyens de débaucher à son profit les soldats qui revenaient d’Egypte.

Brusquement, la physionomie des événemens se modifia. Le 28 mai, les Autrichiens abandonnaient leurs positions dans le Piémont, fuyant les Français qui les menaçaient de toutes parts. Willot renouvela ses demandes. Cette fois, on l’écouta, tout en alléguant que ses papiers et ses plans étaient égarés. On lui accorda dans le comté de Nice quatre villages pour ses dépôts. On mit à sa disposition quatre canons, deux régimens de Suisses restés à la charge du gouvernement sarde, qui refusait de les conserver. Malheureusement, ces promesses se produisaient au milieu d’une débâcle qui rendait impossible leur réalisation. A la faveur de la déroute qui commençait, trois cents Français rassemblés à Turin furent arrêtés par les officiers autrichiens et leurs effets pillés.

Le 30 mai, l’armée austro-sarde évacuait le comté de Nice et le col de Tende : « Seize mille Autrichiens, dit Willot avec amertume.

  1. A Mitau, on était devenu moins crédule. Dans une lettre adressée par ordre du roi aux agens de l’intérieur, le 8 juin, il était dit : « Sa Majesté voit avec peine que les agens de l’intérieur n’aient de confiance que dans la guerre étrangère et qu’ils semblent se reposer uniquement sur les succès des Autrichiens et déterminés à en attendre les effets pour agir. Comme, en aucun cas, on ne doit espérer que les armées pénètrent en France, les agens de Sa Majesté doivent se mettre en mesure de profiter surtout des moyens que fournit l’intérieur et de toutes les chances que la fortune peut amener. C’est à leur sagesse à les prévoir, c’est à leur dévoûment à en profiter. »