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24 millions de francs, plus du double de la moyenne précédente. Il semblerait que ce soit là un signe de richesse; le doublement des importations en cinq ans paraîtra aux hommes compétens un sujet de réjouissance. La chambre de commerce de Tunis ne le voit cependant qu’avec mélancolie. Elle prétend que la présence et l’entretien du corps expéditionnaire est la cause de cet accroissement d’importation. Nous entretenons sept à huit mille hommes au maximum en Tunisie : les importations en 1884-1885 se sont élevées à 26,400,000 francs, dépassant de 15 millions le chiffre de 1879-1880, qui n’était que de 11,400,000 francs, et l’on voudrait faire croire que ces 15 millions d’excédent représentent l’entretien des sept à huit mille soldats que nous avons en Tunisie, soit 2,000 francs pour chacun d’eux, quoiqu’ils tirent leur nourriture presque entière du sol tunisien même ! Cet argument est vraiment inconsidéré : les trois quarts au moins de l’excédent des importations en 18S5, relativement à 1880, ont pour unique cause le développement des affaires dans la régence.

Le raisonnement de la chambre de commerce de Tunis au sujet de l’exportation n’est pas plus heureux. Dans la période de 1875 à 1880, dit-elle, les exportations se sont élevées à 58 millions de francs, soit 11,600,000 francs par année. De 1880 à 1885, elles atteignent S6 millions, soit 17,200,000 fr. comme moyenne annuelle. Il semble que ce soit là un progrès de 5,600,000 francs, soit de 50 pour 100 environ, dont on ait lieu de se réjouir. Ce n’est certainement pas le corps expéditionnaire qui a contribué à cet excédent ; car nos soldats, que nous sachions, n’exportent aucune marchandise. Néanmoins, devant cet heureux résultat, la chambre de commerce de Tunis reste morose ; il lui suffit, pour qu’elle s’attriste, que dans la période quinquennale qui a précédé l’occupation, les exportations aient dépassé de 3 millions les importations, tandis que dans la période quinquennale suivante, les exportations sont restées de 32 millions de francs au-dessous des importations. Le pays court à la ruine, puisqu’il reçoit plus de marchandises qu’il n’en envoie. Voilà, vraiment, des colons bien peu expérimentés et peu instruits des choses de la colonisation. S’ils comparaient, ils verraient que leur cas est celui de toutes les colonies jeunes et florissantes : l’Algérie, l’Australie, le Canada. En Algérie, d’une façon régulière, l’importation est au moins double de l’exportation ; en 1882, par exemple, les importations montent à 404 millions et à 311 millions en 1883, contre 141 millions et 131 millions à l’exportation pendant les mêmes années. L’ensemble des colonies australiennes, pour la dernière année dont nous ayons le compte rendu sous les yeux, importent pour 1,600 millions de francs et exportent pour