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de son été, qui ne permet pas aux Européens d’y vivre en cette saison. Les habitans du pays eux-mêmes sont contraints d’y échapper et se réfugient pendant tout l’été dans des caves, souvent très profondes, creusées dans un poudingue très compact. Quittant le pays vers le 20 mai, nous avons constaté 49 degrés à l’ombre, et c’était loin d’être le maximum de l’année.

Il existe, en janvier, une saison des pluies qui dure environ un mois. Pendant ce temps, l’eau du ciel se déverse à torrens. La plaine, toute nue, à peine couverte çà et là d’herbes sèches, revêt alors une légère teinte verte. Là, point de plantes vivaces : la végétation accomplit son cycle entier de janvier à la fin d’avril. En mai, tout est mort ou brûlé par les Arabes. Grâce à l’extrême sécheresse, ils incendient d’immenses espaces, tantôt sous prétexte de brûler les chardons et d’avoir, pour l’année suivante, de meilleurs pâturages, d’autres fois pour détruire dans la graine les pâturages d’une tribu ennemie, d’autres fois encore pour rien, par insouciance. Un tison qui roule donne lieu à des incendies qui se propagent sur des kilomètres carrés, laissant derrière eux un sol noir où les bêtes de caravane, percevant un phénomène qu’elles ne comprennent pas, n’avancent qu’avec la plus extrême défiance.

A la fin de janvier, et pour donner seulement les grands traits du paysage, cette plaine immense, barrée par la montagne d’un bleu léger, aux crêtes blanches de neige, est toute verdoyante de l’herbe nouvelle. Bientôt, sur ce fonds de graminées, apparaissent çà et là des anémones aux fleurs d’un rouge pourpré. Dans les parties sableuses particulièrement, où le gazon n’atteint qu’une faible taille, ces anémones couvrent de larges espaces et donnent à la plaine un ton sanglant. Dans ces régions, il ne croit rien d’autre à l’exception de quelques chicorées sauvages et des iris, dont la fleur bleue attire l’œil çà et là. Mais dans les parties à sol marneux, comme la Susiane ou la plaine de Ram-Hormuz, la végétation croît activement. Une lutte intense s’établit. Des plantes nouvelles naissent, qui ne tardent pas à étouffer sous elles les premières venues. C’est d’abord une crucifère à fleurs blanches qui émaille la plaine ; mais elle dure peu. Elle ne tarde pas à céder la place à un sinapis, dont les fleurs jaunes couvrent bientôt tout le sol, étendant partout leurs tons d’or et ne laissant verte que la faible étendue réservée par les Arabes pour leur blé ou leur orge. Ces céréales croissent et mûrissent presque sans culture ; les nomades se contentent de temps à autre d’ouvrir ou de fermer avec une bêche les petits fossés qui amènent l’eau tirée du fleuve voisin par un canal plus grand, ou djough.

Cependant les graminées plus faibles, mais plus nombreuses, grandissent : au commencement de mars, l’herbe atteint le genou, tandis